Le vent se lève, de Hayao Miyazaki

Film d’animation japonais d’Hayao Miyazaki, sorti le 22 janvier 2014.

L’histoire : Inspiré par le fameux concepteur d’avions Giovanni Caproni, Jiro rêve de voler et de dessiner de magnifiques avions. Mais sa mauvaise vue l’empêche de devenir pilote, et il se fait engager dans le département aéronautique d’une importante entreprise d’ingénierie en 1927. Son génie l’impose rapidement comme l’un des plus grands ingénieurs du monde.

Le Vent se lève raconte une grande partie de sa vie et dépeint les événements historiques clés qui ont profondément influencé le cours de son existence, dont le séisme de Kanto en 1923, la Grande Dépression, l’épidémie de tuberculose et l’entrée en guerre du Japon. Jirō connaîtra l’amour avec Nahoko et l’amitié avec son collègue Honjo. Inventeur extraordinaire, il fera entrer l’aviation dans une ère nouvelle.

Mon avis : Que dire de ce film et par où commencer ? Déjà, ce n’est pas un dessin animé pour les enfants. Même si rien, je pense, ne fait particulièrement peur, ils ne comprendraient pas de quoi il est ici question. Déjà que moi je ne suis pas sure d’avoir tout compris… Car ce film d’animation est très riche et littéralement bourré de références : de Miyazaki lui-même, à Jirō Horikoshi, Paul Valéry (oui, oui, le poète français), Thomas Mann, ou l’histoire du Japon dans la première moitié du XXe siècle…

A l’exception des passages rêvés par Jirō, cette production est beaucoup moins onirique que les précédentes. On y retrouve par contre la même qualité d’animation, la même attention portée aux sentiments des personnages. Un gros travail de remise en contexte a été fourni.

Le film est une libre adaptation du roman Le vent se lève de Tatsuo Hori, qui lui-même tire son titre d’un vers du poème Cimetière marin de Paul Valéry. Cette référence est clairement assumée dans le film puisque le vers apparaît en français, dès le générique de début. Tatsuo Hori évoque dans ce roman la mort d’une fiancée tuberculeuse, en faisant de nombreuses références à des écrivains européens, dont Thomas Mann, lui aussi explicitement cité dans le film avec Der Zauberberg (La montagne magique, un de ses romans).

Dans Der Zauberberg, on suit le jeune ingénieur allemand Hans Castorp (le fameux personnage aux yeux gris bizarres dans le film) qui rend visite à un cousin dans un sanatorium des Alpes, où il finit par contracter une pathologie. Il s’abîme dans la contemplation des gens qui l’entourent, les regardant mourir, avant de redescendre, sept ans plus tard, et de plonger dans les affres de la Première Guerre mondiale. Les thèmes de la maladie et de la guerre sont donc déjà bien présents dans cette œuvre.

Il est également beaucoup fait référence à l’ingénieur en aéronautique italien Gianni Caproni, que je ne connaissais pas. Il est à l’origine de bon nombre d’avions, notamment pour l’armée italienne lors de la Première Guerre mondiale.

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Il faut mélanger tous ces éléments pour obtenir le film. Vous comprendrez alors qu’il est difficile de savoir par où commencer un billet !

Ce film a fait polémique sur plusieurs points. Le premier étant que le personnage de Jirō Horikoshi ne s’intéresse pas à la construction d’avions de guerre, mais juste à faire de « beaux avions ». Du coup, de nombreux nationalistes ont reproché une position trop pacifiste à Hayao Miyazaki, d’autant qu’il s’est clairement positionné contre une révision de l’article 9 de la constitution japonaise qui empêche le pays de déclarer la guerre et de maintenir une armée. A l’inverse, les pays voisins lui reprochent de faire l’apologie de la guerre. De mon point de vue, il s’agit surtout de décrire un personnage profondément égoïste. Pour ne sacrifier aucune de ses passions, que ce soit dessiner des avions ou épouser celle qu’il aime, il ferme les yeux sur ce qui le dérange : les avions sont destinés à devenir des armes de guerre et sa femme va mourir car il ne peut se séparer d’elle. Alors que le petit garçon rêveur qui nous est présenté au début du film est attendrissant, Jirō adulte est beaucoup moins sympathique.

Un deuxième point faisant polémique est le nombre de scènes où l’on voit des personnages fumer. Si je n’aime pas particulièrement qu’on montre des personnages en train de fumer à tout bout de champ, il ne faut pas édulcorer une situation historique pour le plaisir de préserver les susceptibilités : à l’époque, les gens fumaient énormément et partout. Dès que l’histoire se passe dans un contexte historique, il faut que cela soit crédible. Ce point ne me gêne pas. J’avoue même que je pensais voir bien plus de scènes où la cigarette apparaissait. En même temps, l’image où Jirō fume à côté de Nahoko, atteinte de tuberculose, m’a profondément choquée pour ce que cela disait du personnage de Jirō. En même temps, encore une fois, dans la société nipponne, la femme est totalement au service de l’homme. La scène est donc bien représentative de la mentalité et de la façon de vivre.

J’ai clairement beaucoup appris en faisant des recherches sur ce film. Notamment que Mitsubishi, que je connaissais essentiellement en France pour le matériel électronique, est en fait un énorme conglomérat de près de 300 entreprises, dont la Mitsubishi Heavy Industries qui a construit les avions de guerre nippons et qui est aussi à l’origine des voitures. Et puis également sur la course à l’armement d’avant guerre, avec cette envie voire nécessité de remonter le retard technologique. Jirō Horikoshi dessinera plusieurs avions pour l’armée, le plus gros pourvoyeur de commandes. Après le fameux prototype du Mitsubishi A5M avec les ailes recourbées, il produira les avions Chasseur zéro.

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Je me pose encore beaucoup de questions, tellement ce film est riche. Notamment pourquoi sur l’avion construit par Caproni au début du film, y a-t-il des drapeaux anglais (croix de Saint Georges) et portugais ? Si je connais le lien qui unit Japon et Portugal, je ne vois pas celui qui existe avec l’Italie. Après recherche, il pourrait éventuellement s’agir de références aux drapeaux des provinces Latina et Milan, mais je ne suis pas totalement convaincue. Et je ne vous parle là que des détails que j’ai pu apercevoir, j’ai du en manquer pas mal !

Vous en ressortirez avec beaucoup de choses en tête. Avec une envie de chercher des explications dans tous les sens. La séance ne s’arrête pas au simple visionnage. Et rien que cela, c’est très agréable. On sort du vite consommé, vite oublié. Un film d’animation à voir !

http://unoeildesmots.wordpress.com/2014/01/22/hayao-miyazaki/

Commentaires

Cachou a dit…
Toujours pas réussi à le voir, mais à te lire j'ai l'impression qu'il serait intéressant d'attendre sa sortie en DVD de toute manière pour pouvoir revenir sur des détails après vision.
(ceci était une constatation faite pour me consoler du fait que je ne saurai certainement pas le voir au cinéma)(mais bon, sait-on jamais)
La chèvre grise a dit…
@ Cachou : je te rassure, je ne pense pas que le grand écran apporte grand chose au visionnage. Une télé suffira largement. De mon côté, je ne pense pas l'acheter en DVD parce que je ne suis pas "tombée en amour" (comme diraient les canadiens) avec l'histoire. Même si c'est un film très intéressant.
**Fleur** a dit…
C'est un film très riche en effet !!
Il y a beaucoup de subtilités à mon avis.

J'ai inséré le lien vers ton billet dans la nouvelle page de récap'.
http://unoeildesmots.wordpress.com/challenge-hayao-miyazaki-la-recap/
La page est accessible en cliquant sur le logo en bas dans la page d'accueil. ;)

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