Éloge des frontières [Régis Debray]

L'auteur : Régis Debray, né en septembre 1940, est un haut fonctionnaire français, écrivain et universitaire.

L'histoire : En France, tout ce qui pèse et qui compte se veut et se dit « sans frontières ». Et si le sans-frontiérisme était un leurre, une fuite, une lâcheté ?

Partout sur la mappemonde, et contre toute attente, se creusent ou renaissent de nouvelles et d’antiques frontières. Telle est la réalité.

En bon Européen, je choisis de célébrer ce que d’autres déplorent : la frontière comme vaccin contre l’épidémie des murs, remède à l’indifférence et sauvegarde du vivant.

D’où ce Manifeste à rebrousse-poil, qui étonne et détonne, mais qui, déchiffrant notre passé, ose faire face à l’avenir.

Mon avis : Voici une lecture assez loin de mes habitudes ! C’est ce qui arrive lorsque, après avoir terminé mon roman sur le chemin aller vers le boulot, je dis à mon chef « C’est trop bête, je n’ai plus rien à lire pour le retour ». Pas de problème, ni une ni deux, il retourne dans son bureau et en revient avec ce petit livre qui serait parfait juste pour le retour.

Il s’agit du texte d’une conférence donnée à Tokyo le 23 mars 2010 par Régis Debray. On comprend vite le propos. Effacer les différences, c’est produire de l’indifférence. Tracer une frontière, explique l’auteur, est la condition sine qua non pour disposer d’un espace à organiser, donc pour rendre possible une organisation, quelle qu’elle soit. La frontière est perméable et évolutive ; elle a existé de tout temps et sous différentes formes. Il n’y a pas d’intérieur sans l’existence même de la notion inverse d’extérieur.

Cette réflexion est intéressante, et on n’en attendrait pas moins d’un tel auteur. Après, j’ai quelques inquiétudes sur l’accueil que certains pourraient faire à ce livre, vu le contexte actuel assez chargé en France aujourd’hui, où les questions sur l’immigration divisent, où l’Europe qui essaie de se construire est mise à mal ; où les droits essentiels de chacun sont discutés à coup de manif géante dans les rues…

Debray dénonce un peu trop facilement encore la mondialisation et l’anglicisation. Ou comment enfoncer des portes ouvertes… Certaines allégations sont également discutables. Par exemple, il existe des peuples qui sont identifiés (au sens qu'ils ont une identité) au-delà d’un concept de territoire bien délimité. Le tout est saupoudré parfois de psychologie à deux balles :

« Quand on ne sait plus qui l’on est, on est mal avec tout le monde – et d’abord avec soi-même » p°58

« L’Europe a manqué prendre forme : ne s’incarnant en rien elle a fini par rendre l’âme » p°64

Et se tourner en permanence vers le passé est une réflexion assez limitée à mon goût. Pourquoi ne pas oser des modèles encore jamais imaginés ?

Éloge des frontières, de Régis Debray
Gallimard
Septembre 2012

Commentaires

Alex Mot-à-Mots a dit…
De la psychologie à deux balles ? Etonnant de la part de cet auteur.
La chèvre grise a dit…
@Alex Mot-à-Mots : Disons des phrases un peu toutes faites et faciles en tout cas :)

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