Phantom thread, de Paul Thomas Anderson

Film américain de Paul Thomas Anderson, sorti le 14 février 2018, avec Daniel Day-Lewis, Vicky Krieps, Lesley Manville.

L'histoire : Dans le Londres des années 50, juste après la guerre, le couturier de renom Reynolds Woodcock et sa sœur Cyril règnent sur le monde de la mode anglaise. Ils habillent aussi bien les familles royales que les stars de cinéma, les riches héritières ou le gratin de la haute société avec le style inimitable de la maison Woodcock. Les femmes vont et viennent dans la vie de ce célibataire aussi célèbre qu’endurci, lui servant à la fois de muses et de compagnes jusqu’au jour où la jeune et très déterminée Alma ne les supplante toutes pour y prendre une place centrale. Mais cet amour va bouleverser une routine jusque-là ordonnée et organisée au millimètre près.

Mon avis : Mister est fan de Daniel Day-Lewis et du réalisateur Paul Thomas Anderson. Alors quand on a en plus appris que Phantom Thread serait le dernier film de l'acteur, puisqu'il souhaite prendre sa retraite, nous n'avons pas beaucoup réfléchi et sommes allés au cinéma. De ce réalisateur de mon côté, je ne garde en tête que There will be blood.

Les acteurs offrent un jeu époustouflant, avec bien sûr, même si les deux actrices ne sont pas en reste, une mention spéciale à Daniel Day-Lewis qui campe un couturier renommé maniaque mais fichtrement élégant. Il est enfermé dans sa vie, bourré de TOC, et dont toute perturbation de la routine quotidienne est vécue comme une attaque à son art. Sa sœur, jouée par Vicky Krieps, le conforte dans ces habitudes, persuadée que c'est le prix à payer pour qu'il exprime son génie. Les muses défilent et doivent se plier à cette vie où elles n'ont que peu de place. Jusqu'à l'arrivée d'Alma, jouée par Lesley Manville. Si au départ elle est totalement subjuguée par ce grand homme qui navigue dans la haute société, elle refuse que son rôle se cantonne à celui d'une potiche. Elle tient merveilleusement tête à Reynolds Woodcock, dans un ballet qui flirte parfois avec le macabre. Si un corps imparfait de femme peut être sublimé par un vêtement, les névroses d'un artiste peuvent également se révéler derrière une apparence de rêve éveillé.

L'image est sublime, que ce soit par la photographie ou la mise en scène. Je ne parle même pas des costumes, forcément somptueux. La façon de filmer les scènes intérieures par exemple, renforce le sentiment d'une demeure splendide, lumineuse mais aussi étonnamment asphyxiante. Mais le choix scénaristique empêche de ressentir la moindre empathie pour ces personnages, complètement bloqués. La relation de couple est au cœur de l'histoire mais avec au final peu d'émotion et à aucun moment le réalisateur ne juge son couple, il ne tranche jamais sur ce que le spectateur devrait en penser. En dehors peut être d'une certaine tendresse sur la fin, lorsqu'un équilibre est trouvé. On peut se demander la signification réelle de ce qui nous est montré. Y a-t-il autre chose en dehors d'une tranche de vie ?

La question sous-jacente est peut être alors à chercher dans un sujet plus classique, celui de la vie et de la mort dans l’œuvre d'un artiste. Vit-il en ne proposant que les mêmes idées, toujours déclinées, et sans nouvelle source d'inspiration ? Est-ce mourir que se remettre en question ? Si les créations de Woodcock sont splendides, elles sont également glacées et figées. Et il faut peut être un peu s'oublier soi pour vivre à deux, accepter de perdre une partie de celui qu'on était pour devenir autre.

C'est un film que certains pourront trouver ennuyeux mais, si on fait l'effort de se laisser emporter par l'image et les acteurs, on passe indubitablement un excellent moment de cinéma, auquel la salle obscure apporte toute sa splendeur. Et les pointes d'humour (ces histoires de biscottes !) savent parfaitement alléger le propos.

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