Abandon de lecture #8

Mai en automne, de Chantal Creusot
Éditions Zulma

L'histoire : Tout commence avec l’innocente Marie Granville, servante d’une riche ferme du Cotentin. L’admirable portrait de cette ingénue ouvre un roman gigogne qui se déploie de chapitre en chapitre. C’est ainsi qu’on découvre les Vuillard et les Lamaury, le procureur Darban, l’avocat Laribière et ses réceptions tristes sous l’Occupation. Au gré des folies de l’adolescence, du jeu sans fin des fiançailles, des petits et grands désastres du mariage bourgeois, on ressort bouleversé par les figures de femmes qui habitent ce roman limpide, construit par bonds et retours fulgurants, comme pour tout saisir de l’appel désespéré du désir, tandis que le bonheur se dérobe comme un rêve d’enfance.

Mon avis : Sous une couverture peps comme savent souvent en proposer les éditions Zulma se cache un roman pas forcément très joyeux. Il s’agit de portraits croisés d’hommes et de femmes, dans une petite ville de province autour de la seconde guerre mondiale. La vie, l’amour, la mort. On bascule d’une famille à l’autre, parfois en faisant des sauts avant ou arrière dans les générations, ce qui n’aide pas à s’attacher aux différents personnages. On (re)découvre un monde et une époque où on restait entre soi, où on faisait un mariage guidé par la raison, quel que soit le milieu social. Au milieu de tous les drames, la vie se poursuit, plus forte que tout. Parmi tous ces portraits, ce sont les femmes qui tirent leur épingle : souvent forcées et contraintes, certaines acceptent et d’autres trouvent une voie pour vivre malgré tout. En tout cas, rares sont celles qui abandonnent complètement.

La plume est vraiment belle et je regrette de ne pas avoir accroché davantage à ces récits de femmes fortes malgré tout le poids de l'histoire qui pèsent sur elles. Seulement j'ai été perdue au milieu de trop de portraits, sans jamais réellement m'attacher à une seule de ces femmes.


La ferme du bout du monde, de Sarah Vaughan
Éditions Préludes pour Kindle

L'histoire : Cornouailles, une ferme isolée au sommet d’une falaise. Battus par les vents de la lande et les embruns, ses murs abritent depuis trois générations une famille… et ses secrets.1939. Will et Alice trouvent refuge auprès de Maggie, la fille du fermier. Ils vivent une enfance protégée des ravages de la guerre. Jusqu’à cet été 1943 qui bouleverse leur destin. Été 2014. La jeune Lucy, trompée par son mari, rejoint la ferme de sa grand-mère Maggie. Mais rien ne l’a préparée à ce qu’elle y découvrira. Deux étés, séparés par un drame inavouable. Peut-on tout réparer soixante-dix ans plus tard ?

Mon avis : Un titre obtenu via Netgalley il y a longtemps et qui, je ne sais pas pourquoi, m'est complètement sorti de la tête avant que je ne le retrouve. Quatre ans plus tard donc, je suis tombée sur un vieil avis de Gérard Collard qui disait avoir beaucoup apprécié ce roman dont on lui avait dit beaucoup de bien. Me voici donc enfin à le lire, bien tardivement. Seulement, à la moitié, je me rends compte que les destins de Maggie et de Lucy me laissent indifférente, je ne suis pas attachée à ces personnages ni à ce bout de terre qui représente tant pour elles. À la moitié, je ne suis pas embarquée, je ne ressens pas d'émotion et j'ouvre ma liseuse sans envie particulière de retrouver l'univers. À la moitié, il me manque encore une tension, une attente, que le nœud du problème familial se dessine.
 
 
Un paquebot dans les arbres, de Valentine Goby
Éditions Actes Sud
 
L'histoire : Au milieu des années 1950, Mathilde sort à peine de l'enfance quand la tuberculose envoie son père et, plus tard, sa mère au sanatorium d'Aincourt. Cafetiers de La Roche-Guyon, ils ont été le cœur battant de ce village des boucles de la Seine, à une cinquantaine de kilomètres de Paris.
Doué pour le bonheur mais totalement imprévoyant, ce couple aimant est ruiné par les soins tandis que le placement des enfants fait voler la famille en éclats, l'entraînant dans la spirale de la dépossession. En ce début des Trente Glorieuses au nom parfois trompeur, la Sécurité sociale protège presque exclusivement les salariés, et la pénicilline ne fait pas de miracle pour ceux qui par insouciance, méconnaissance ou dénuement tardent à solliciter la médecin.
À l’âge où les reflets changeants du fleuve, la conquête des bois et l’insatiable désir d’être aimée par son père auraient pu être ses seules obsessions, Mathilde lutte sans relâche pour réunir cette famille en détresse, et préserver la dignité de ses parents, retirés dans ce sanatorium – modèle architectural des années 1930 –, ce grand paquebot blanc niché au milieu des arbres.
 
Mon avis : Autant j'avais été totalement happée par le style de Valentine Goby dans Kinderzimmer, autant ici je suis passée à côté. L'énumération et la froideur étaient nécessaires pour tenir à distance le trop plein d'émotions à distance sur un sujet aussi poignant que les camps. Ici, certes il ne faut pas tomber dans le pathos, mais l'écriture sèche l'est trop pour permettre de ressentir vraiment la tragédie qui se joue. D'autant que sous l'histoire de ce drame de la tuberculose à l'époque des Trente Glorieuses, alors que la Sécurité sociale est créée, synonyme de progrès mais où certains restèrent sur le bord du chemin, c'est aussi celle d'une famille tout entière que l'autrice dépeint. Attentionné envers les autres plus qu'envers sa propre famille, Paul s'oublie et oublie de regarder Mathilde au profit de sa sœur. J'avoue qu'il m'a agacé à préférer son harmonica à des préoccupations plus terre à terre. Peut-être est-ce pour cela que la petite se démènera autant pour sauver son entourage, comme une rédemption.

En attendant, je n'ai pas été touchée, je ne me suis pas attachée aux personnages alors que j'avais bigrement envie d'entendre cette histoire tragique à plus d'un titre. La faute au style qui cette fois-ci prend trop le dessus sur le récit alors que ce n'est pas nécessaire.


Commentaires

Alex Mot-à-Mots a dit…
Un paquebot dans les arbres m'avait plu, mais sans plus (ce n'est pas le meilleur de l'auteure). Merci pour ton avis sur les deux autres livres.
La chèvre grise a dit…
@ Alex Mot-à-mots : j'avoue être refroidie pour d'autres titres de Valentine Goby, maintenant.

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