Swan [Néjib]

Il y a trois ans et demi, j'avais adoré découvrir Stupor Mundi de Nejib. Aussi, quand j'ai trouvé ces deux tomes à la bibliothèque, je ne me suis pas posé de question et je suis repartie avec.

L'histoire : Tout juste débarqués de New York, Scottie et sa sœur Swan n'ont qu'une idée en tête : intégrer les Beaux-Arts de Paris. Guidés par leur cousin Edgar Degas, ils découvrent qu'une frénésie artistique sans précédent anime la capitale. Mais quel est le prix à payer pour intégrer ce monde en pleine effervescence ?

Si la passion de l'art règne ici, les rivalités et les coups bas font aussi partie du décor... et Swan devra, plus que les autres, user de ressources insoupçonnées pour dessiner son destin.

Mon avis :  Deuxième moitié du XIXe siècle. De par sa condition de femme, Swan ne peut espérer entrer à l’Académie. En attendant de trouver sa voix, elle navigue au milieu de grandes figures de l’art, dont certaines m’étaient inconnues : Degas, Monet, Roqueplan, Pissaro, Ingres, Cabanel, Couture… et une seule femme, Rosa Bonheur. C’est tout le génie de l’auteur que de ne pas se contenter de brosser le portrait d’un artiste plutôt qu’un autre. Non, Néjib est plus ambitieux et propose carrément de nous faire vivre une révolution artistique, le point de bascule entre le classicisme défendu par l’académie des Beaux-Arts et un mouvement révolutionnaire, que nous appellerons ensuite l’art moderne, auquel aspire de plus en plus de jeunes artistes.

Le buveur d'absinthe, d'Edouard Manet

Pendant que Swan s’échine à entrer dans le temple de la peinture académique, son frère découvre sa vocation de peintre en allant en forêt de Fontainebleau. Et autour d’eux, le lecteur voit défiler de grands noms. La période fut en effet propice à l’éclosion d’un très grand nombre d’artistes dont certains sont encore d’immenses figures artistiques toujours connues et reconnues. Tous se retrouvent dans les mêmes cafés, les mêmes salons. Tous étaient copistes au Louvre. Et pourtant, ceux qui ne se laissèrent pas séduire par l’académisme (art pompier) inventèrent des mouvements très diverses : naturalisme, modernisme, impressionnisme… Certains artistes sont riches lorsque d’autres trouvent difficilement de quoi se payer un gourbi. Certains sont introvertis et mystérieux lorsque d’autres sont exubérants et séducteurs. Dans une ville où certaines mœurs sont plus acceptées dans ce milieu artistique, où les ateliers fourmillent littéralement tout comme les « rapins » (aspirants peintres), se créer une forme de compétition propice à l’avènement de courants artistiques.
Planche de Swan, tome 1 : le buveur d'absinthe, de Néjib

À nouveau, le dessin n'est pas très joli ce qui est un petit peu perturbant puisque nous suivons des maîtres en la matière. Mais au final cela fonctionne formidablement pour recentrer le lecteur sur le propos : non pas l’art lui-même mais la naissance d’un mouvement artistique. C’est documenté, passionnant et bougrement addictif. Reste un troisième tome encore à paraître. J’ai hâte !

Swan tome 1 : le buveur d'absinthe et Swan tome 2 : le chanteur espagnol, de Néjib
Éditions Gallimard
2018 et 2020

Commentaires

Alex Mot-à-Mots a dit…
Rien à voir avec Proust, alors !
La chèvre grise a dit…
@ Alex Mot-à-mots : a priori, non. Mais bon, Proust étant né en plein impressionnisme, ce peut être un message caché.

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