Exposition : Machu Picchu et les trésors du Pérou



La Cité de l'Architecture et du Patrimoine à Paris accueille jusqu'en septembre une exposition dédiée aux cultures andines plus qu'au Machu Picchu, qui ne fait l'objet que d'une petite salle en sous-sol. Il s'agit ici davantage d'une plongée succincte dans le monde des Incas plus que d'une exposition scientifique sur les cultures péruviennes. L'occasion de vous présenter quelques pièces choisies, fort belles au demeurant, parmi les nombreuses merveilles exposées qui en mettent plein les yeux.


Trois mondes coexistent en harmonie dans la cosmovision andine : le Monde Supérieur où se trouvent le soleil et les dieux célestes ; l'Ici et Maintenant habité par les hommes et les non-humains ; le Monde Intérieur où vivent les ancêtres, où la pluie qui tombe permet de faire germer les graines. Le motif d'échelon, on le comprend facilement, est alors très important car il permet de se déplacer entre ces différents mondes.

Cruche en céramique représentant des échelon avec le symbole de la spirale ; culture mochica (100 - 800 ap. J.C). Si tout le monde pouvait accéder aux plateformes, seuls les membres de l'élite, les prêtres et prêtresses et le dirigeants politiques peuvent entrer dan le temple intérieur et communiquer directement avec les dieux.


Dans le Monde Inférieur, l'activité sexuelle est importante car les fluides corporels des ancêtres irriguent et fertilisent la terre, assurant la régénération des cultures et le cycle de la vie. C'est pourquoi les chamanes et les prêtres utilisent des objets représentant des figures ancestrales en préparant les morts pour leurs funérailles.


Vases cérémoniels en céramique représentant un habitant du monde d'en bas avec le sexe en érection et une femme en position d'accouchement ou de coït ; Culture mochica (100 - 800 ap. JC)

 

Le dragon andin est une créature chimérique très fréquente dans l'art précolombien, associé à des êtres apparaissant la nuit, comme les hiboux et la lune. Par sa nature hybride, elle permet de connecter les mondes entre eux. Car les oiseaux représentent le Monde Supérieur, sont proches des dieux par leur capacité à voler haut dans le ciel et grâce à leur vision perçante, notamment pour les oiseaux de proie.


Céramique représentant un Dragon andin - bouteille à anse étrier en céramique, nacre, Strombus, turquoise ; Culture mochica (100 - 800 ap. J.C). Cette figure apparaît dans de nombreuses images, certaines datant de plus de 4 000 ans et permet de connecter les trois mondes andins.

 

Je le disais plus haut, seuls les dirigeants religieux et politiques sont autorisés à entrer en communication avec les dieux, car ils sont considérés comme étant leurs représentants sur terre. Pour se faire, ils utilisent des plantes psychotropes lors des cérémonies. Les pouvoirs, souvent symbolisés par différents animaux, sont donc souvent présents sur les objets rituels. Par exemple, le dieu Hibou et l'une des principales divinités des mochicas : jambes humaines mais ailes à la place des bras, un serpent à deux têtes de félin au dessus de lui pour représenter deux phénomènes opposés mais complémentaires, unissant le jour et la nuit, l'arc-en-ciel à la voie lactée, un fleuve nocturne coulant au-dessus de nos têtes.

Jarre-cruche en céramique représentant le dieu Hibou, culture mochica (100-800 ap. J.C)


Les Moches, peuple précolombien du Nord du Pérou, vénéraient principalement le dieu Ai Apaec, dieu décapiteur ou étrangleur qui est représenté sur beaucoup de fresques et d'objets. La mythologie dit que c'était un ancien chef mochica qui cultivait les vallées vertes et fertiles. Lorsque le soleil se couche, Ai Apaec craint que sa terre soit plongée à jamais dans l'obscurité totale. Déterminé à sauver le Soleil qui apporte l'énergie et la chaleur nécessaire à la survie de sa communauté, il se lance dans un voyage qui symbolise le cercle de la vie andine, à travers les trois mondes, affrontant des défis pour acquérir des pouvoirs. Il sacrifie sa vie et renaît pour rentrer chez lui, garantissant ainsi la continuité.

Masque funéraire représentant Ai Apaec en cuivre, coquillage de Strombu ou Conus fergusoni ; culture mochica (100 - 800 ap. J.C)



Cruche à bord évasé en céramique décrivant le voyage sous-marin d'Ai Apaec dans le monde des Ancêtres ; culture mochica (100 - 800 ap. J.C)

 
Les rituels et les sacrifices relient le monde des hommes aux Mondes Supérieur et Inférieur. Ils rythment l'année, garantissant l'abondance de nourriture par la chasse ou les récoltes. Les guerriers, venus de différentes régions, portent dans ces moments des tuniques et des jupes richement ornées, témoins de leur statut seigneurial, et se livrent à des combats rituels. Les vaincus sont sacrifiés et leur sang offert aux dieux. Ces cérémonies sont festives et accompagnées de musique et de chants.

Boucle d'oreilles avec mosaïque de l'oiseau-guerrier en or, turquoise massive, turquoise, sodalite, nacre, coquillage de Spondylus princeps  ; culture mochica (100 - 800 ap. J.C)


Cruche en céramique représentant une tête de guerrier captif ; culture mochica (100 - 800 ap. J.C)


Tambour chaman en céramique ; culture naca (100 - 600 ap. J.C) - La figure montrée sur le tambour porte un masque funéraire et l'instrument à la forme d'un ballot funéraire reliant le tambour aux ancêtres, source de toute régénération.


Les dirigeants, messagers entre les différents mondes, voyaient à leur mort toute la société oeuvrer pour leur passage dans le Monde Inférieur et leur transformation en ancêtres. Ils étaient donc enterrés avec leurs objets les plus spectaculaires et précieux.


Sculpture en bois d'algarrobo représentant un ancêtre ; culture chimu (1100 - 1470 ap. J.C)


Couronne, boucles d'oreilles, collier, épaulettes et pectoral en or ; culture chimu (1100 - 1470 ap. J.C)


Coiffe frontale, boucles d'oreilles, nariguera et collier de perles en forme de têtes de félin en or, argent et coquillage de Strombus ; culture mochica (100 - 800 ap. J.C) - Attachée à un turban, cette coiffe frontale conférait à l'homme ou la femme qui la portait les pouvoirs du redoutable jaguar, associé au pouvoir du Monde Terrestre, et des condors qui volent haut vers le Monde Supérieur.


Derrière les ors et trésors exposés, quasiment tous issus du fond privé de l'archéologue péruvien Rafael Larco Hoyle, j'ai été un peu déçue de la qualité de cette exposition, très carton-pâte et attraction commerciale plus que culturelle. On est loin de la qualité de celle sur Toutânkhamon en 2019 montée par la même société et pourtant déjà faite pour attirer le grand public. Il faut vraiment l'aborder comme un premier pas dans ces cultures andines plus qu'une vraie exposition culturelle. Cela n'enlève rien à la qualité des objets présentés. Mais j'ai été déçue de voir le peu de place donnée au Machu Picchu lui-même malgré le nom attractif de l'exposition.


Informations utiles

Du 16 avril 2022 au 04 septembre 2022 
Tous les jours de 10h à 19h

Cité de l'architecture et du patrimoine 
Palais de Chaillot
1 place du Trocadéro, 
75016 Paris 
Tel : 01 58 51 52 00

Tarifs : de 18 à 24€
Site du musée : ici

Commentaires

nathalie a dit…
J'ai toujours du mal avec les expos sur des cultures que je connais aussi peu. Je ne retiens pas grand chose, tout se mélange, je ne sais pas trop ce que valent les discours que l'on me propose. Les objets sont beaux, mais ensuite ? En l'occurrence, ils avaient l'air superbes en effet, mais je comprends ton insatisfaction.
La chèvre grise a dit…
@ Nathalie : c'est vrai que c'est toujours compliqué quand on aborde des sujets/cultures mal connues, mais je compte souvent sur mon billet de blog qui me permet justement de tout bien poser à l'écrit et donc dans ma tête.
dasola a dit…
Bonjour La Chèvre grise, entièrement d'accord avec ce que tu écris à la fin de ton billet. Ce que je trouve prohibitif, c'est le prix de l'entrée de l'expo, le fait qu'il n'y ait rien ou presque sur le Macchu Picchu. C'est une vraie opération commeciale (voir la boutique à la fin). Tout est inabordable sauf la carte postale à 2 euros. J'ai eu la chance d'aller au Macchu Picchu (i'étais sur le site le 11 septembre 2001!). J'en garde un bon souvenir malgré tout et je sais que j'avais visité quelques jours auparavant un musée archéologique à Lima, mais ce n'était pas celui de l'expo. Il était aussi très bien. Bonne journée.

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