Hypericon [Manuele Fior]

L'auteur
: Manuele Fior est un auteur de bande dessinée italien né en 1975. Il obtient en 2011 le prix du meilleur album au festival d'Angoulême pour Cinq mille kilomètres par seconde

L'histoire : La vie de Teresa a toujours été une ligne droite large et confortable. Une autoroute qui l'a conduite à atteindre ponctuellement tous les objectifs qu'elle s'était fixés. Et ce n'est pas un hasard si elle a été choisie comme assistante scientifique pour l'installation de la grande exposition du trésor de Toutankhamon à Berlin. La ligne droite, en revanche, est totalement absente de la géométrie très personnelle de Ruben, jeune et velléitaire artiste italien. Pour lui, comme pour beaucoup de jeunes de son âge, Berlin à la fin des années 90 est un immense terrain de jeu. Quand Teresa et Ruben se rencontrent, le destin changera pour toujours la trajectoire de leur existence.

Mon avis : En entamant cet album, au bout de quelques pages, je me suis demandée où l'auteur souhaitait emmener ses lecteurs. Mais j'ai été séduite par l'ambiance nostalgique qui se dégage du récit de Teresa, jeune italienne fraîchement débarquée à Berlin dans la fin des années 90 pour monter une exposition sur Toutankhamon. On suit son installation dans la ville et, parallèlement, la découverte en 1922 du tombeau du grand pharaon par Howard Carter et son équipe de travailleurs locaux. Car s'est en lisant le journal de Carter que Teresa, insomniaque, arrive à occuper ses nuits sans sommeil. Le lien entre ses deux époques si éloignées : une petite fleur de millepertuis qui aurait de multiples propriétés : apaisante, relaxante, reposante. Elle permet de traiter bon nombre de pathologies. Sa couleur jaune donne la teinte des couleurs qui inondent l'album : un ocre sensible décliné dans de nombreuses variantes allant du jaune au marron. Et le travail à la gouache donne toute sa saveur.
 
L'ambiance qui se dégage de cet album est étrange. Car, en attaquant le récit de la découverte historique sous le prisme du sommeil, on ne sait jamais trop si les faits sont réels ou fantasmés par Teresa. Son histoire d'amour avec Ruben, personnage libre là ou Teresa semble suivre une route d'avance tracée pour elle, est elle aussi presque fantasmagorique tant ils sont à l'opposé l'un de l'autre et doivent lutter pour trouver un terrain commun. Au final, le sujet est peut-être davantage la ville de Berlin, que Manuele Fior nous fait visiter largement. Des institutions très administratives aux squats libertaires, de la bureaucratie universitaire aux jardins, il nous montre Berlin dans sa complexité. Mais cela se perd un peu au milieu des deux autres récits et on ressort de cette lecture comme d'un rêve, un peu embrouillé.

Je retiendrai en tout cas un élément fort, celui de la conception du temps chez les Égyptiens, cette représentation unique et contraire à toutes les autres, selon laquelle le futur serait derrière nous, là où il ne peut être vu et le passé devant nous, toujours visible car déjà vécu.
 

Hypericon, de Manuele Fior
Éditions Dargaud
Novembre 2022

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