Le Turquetto [Metin Arditi]

L'auteur : Né en février 1945 à Ankara, Metin Arditi est un écrivain suisse d'origine turque. C'est un touche à tout, notamment à l'EPFL où il enseigne aussi bien la physique, que l'économie ou l'écriture romanesque.

L'histoire : Se pourrait-il qu'un tableau célèbre - dont la signature présente une anomalie chromatique - soit l'unique œuvre qui nous reste d'un des plus grands peintres de la Renaissance vénitienne : un élève prodige de Titien, que lui-même appelait "le Turquetto" (le petit Turc) ?
Né de parents juifs en terre musulmane (à Constantinople, aux environs de 1519), ce fils d'un employé du marché aux esclaves s'exile très jeune à Venise pour y parfaire et pratiquer son art. Sous une identité d'emprunt, il fréquente les ateliers de Titien avant de faire carrière et de donner aux congrégations de Venise une œuvre admirable nourrie de tradition biblique, de calligraphie ottomane et d'art sacré byzantin. Il est au sommet de sa gloire lorsqu'une liaison le dévoile et l'amène à comparaître devant les tribunaux de Venise...

Mon avis : C’est chez Miss Alfie que j’ai repéré ce roman. Et après une interview radiophonique de l’auteur, je me suis décidée à le demander au Père Noël, et maintenant à le lire.

L’auteur fait démarrer l’intrigue d’un rapport fictif sur le tableau « L’homme au gant » attribué à Titien et qu’on peut voir au Louvre. Ce rapport constate des bizarreries sur la signature de l’œuvre, qui serait en fait celle d’un peintre appelé Le Turquetto. Metin Arditi ne nous embarque dans un voyage dans le temps et nous fait aborder à Constantinople au début du XVIe siècle, où un petit juif est brimé par les lois de cette terre musulmane et par la doctrine de sa religion qui l’empêche de représenter les êtres vivants. Pourtant, le jeune Elie montre un don certain pour le dessin et les couleurs. Il dessine alors « pour la pile », jusqu’à ce que l’occasion arrive de partir pour Venise, terre des arts, où on le retrouve 43 ans plus tard comme peintre établi.

Etonnamment, le monde de la création picturale est assez peu décrit. Ce qu’en dit Metin Arditi est cependant précis et très évocateur, au point que le lecteur se représente parfaitement les tableaux évoqués. Les mots choisis rendent à merveille les couleurs et le jeu d’ombre et de lumière. Mais l’auteur fait surtout apparaître le monde politique d’une époque où tout se jouait sur l’apparence. Un monde peut être pas si loin du notre en fait. L’art est plus un moyen de se montrer, de témoigner de son pouvoir et de sa sphère d’influence. Quelques soient les religions au pouvoir, il faut écraser l’autre : restriction des droits, confinement dans des ghettos, affirmation d’une autorité supérieure. De la musulmane Constantinople à la catholique Venise, où règne la dépravation, seule la religion catholique permet la représentation d’êtres créés par Dieu. Alors Elie, lui qui est juif et a découvert la calligraphie auprès d’un musulman, n’hésite pas à se faire passer pour chrétien, quel qu’en soit le prix. Il est donc ici question des rapports de l’art au divin et au pouvoir.

Comme beaucoup, j’aurais aimé qu’il y ait un brin de vérité dans cette histoire pourtant totalement fictive. Ma prochaine sortie au Louvre m’amènera devant ce tableau pour contempler la signature. Il reste un roman historique et d’aventures passionnant. Nul doute que je retrouverai l’auteur dans un prochain roman très bientôt.

Le Turquetto, de Metin Arditi
Éditions Babel
Juin 2013

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