Au-delà du mal [Shane Stevens]

L'auteur : Shane Stevens (probablement un pseudonyme) est un auteur de polars américain né en octobre 1941 à New York. Son livre, By reason of Insanity est sorti en France en 2009 aux Editions Sonatine. Il a écrit 5 romans entre 1966 et 1981 avant de retourner dans l'anonymat.

L'histoire : À 10 ans, Thomas Bishop est placé en institut psychiatrique après avoir assassiné sa mère. Il s'en échappe quinze ans plus tard et entame un périple meurtrier à travers les États-Unis. Très vite, une chasse à l'homme s'organise : la police, la presse et la mafia sont aux trousses de cet assassin hors norme, remarquablement intelligent, méticuleux et amoral. Les destins croisés des protagonistes, en particulier celui d'Adam Kenton, journaliste dangereusement proche du tueur, dévoilent un inquiétant jeu de miroir, jusqu'à un dénouement captivant.

Mon avis : Au début, il y a quelques passages où il faut avoir le cœur bien accroché. Puis progressivement, les crimes deviennent des faits relatés brièvement, presque banalement, et l'auteur s'intéresse plus à ce qui se passe avant et après. Je trouve que ça renforce le malaise : le massacre devient juste un fait.
En lisant ce livre, on ne peut s'empêcher de penser à Ellroy car Stevens ne nous dépeint pas seulement l'histoire de ce tueur en série et des enquêteurs (journalistes et policiers) qui le poursuivent, mais il replace tout ceci dans un contexte historique réel, l'Amérique des 60s-70s. La société est analysée de manière chirurgicale, acerbe mais totalement neutre : tous les grands organes du pouvoir, la politique, la presse, la justice, la police, la mafia sont découpés au scalpel et vus au travers des prismes de l'orgueil, la folie, la corruption et la luxure. Signalons également que ce livre traite des grandes questions de la peine de mort, de l'emprisonnement et de la psychiatrie, sans prendre un parti quelconque.
Comme chez Ellroy, le lecteur suit de multiples personnages, qui ne sont jamais totalement blancs ou noirs, et qui ont presque tous une déchirure, voire un vice ou une perversion, qui les amènent au milieu de cette histoire, bon gré mal gré. Mais ce livre mérite beaucoup plus qu'une simple comparaison avec James Ellroy !
Le mode de narration est très factuel, presque documentaire, comme un rapport d'investigation qui relate les faits en suivant les protagonistes de très près, sans juger les actes. Cela peut paraître assez froid au premier abord, mais devient vite un moyen de nous glacer le sang et de nous tenir en haleine. Le lecteur est très très proche des faits, les observe à la limite du voyeurisme et sans aucun filtre. L'auteur détricote le fil des événements, des plus horribles aux plus anodins, à des milliers de km parfois, mais qui s'entremêlent, se percutent de manière implacable. Tous les faits et les personnages gravitent autour de Thomas Bishop jusqu'à être entraînés dans une spirale infernale, jusqu'au paroxysme final, prêtant à interprétation.
Je pourrais dire beaucoup sur ce livre tellement complexe et raffiné, mais pour résumer, c'est un très grand polar ultra-réaliste qui ne laisse pas beaucoup souffler et que je conseille à tous ceux qui aiment James Ellroy ou qui veulent découvrir ce qu'est un grand roman criminel. Personnellement je n'aime pas les livres trop réalistes mais celui-là m'a littéralement scotché. Ce n'est pas un livre pour les cœurs légers ou dépressifs parce qu'il ne laisse pas intact et je ne suis pas sûr qu'on en sorte avec plus d'espoir en l'humanité... Mais si vous aimez les sensations fortes, plongez sans hésitation !

Je ne comprends toujours pas pourquoi on traduit les titres en changeant le sens originel ? Après réflexion, le titre Au delà du mal me fait trop penser au mélange sérial killer/épouvante qu'on peut trouver dans les livres de Maxime Chattam. By reason of insanity traduit beaucoup plus le côté clinique et réaliste du livre de Shane Stevens.

signé Gruikman

Commentaires

Anonyme a dit…
Très tentée depuis un bout de temps déjà. Je suis dans les âmes noires en ce moment...
Vanou a dit…
Repéré il y a quelques temps, je vais sûrement finir par craquer !
Pimprenelle a dit…
C'est très tentant en effet! Décidément, les éditions Sonatine font très fort!
gruikman a dit…
Eh ben il faut y aller, plongez dans "Pour cause de démence" et perdez y un peu de votre raison ;)... En plus c'est vrai que Sonatine fait des bons choix et puis j'aime beaucoup leur format de livre qui en fait un bel objet dans une bibliothèque.
Leiloona a dit…
Je ne connais pas encore cette maison d'éditions, mais je n'en entends que du bien. ;)
Mangolila a dit…
Je suis bien d'accord avec toi pour la traduction des titres!
Bien qu'ayant du mal avec Ellroy, j'ai l'impression que celui-ci pourrait me plaire!
gruikman a dit…
c'est un peu plus "clinique" que du Ellroy je trouve... C'est tout aussi noir mais plus froid avec un ton plus "journalistique" et moins de vices cachés :)... question d'impression je pense! Mais vraiment, c'est un grand polar!
Alex-Mot-à-Mots a dit…
Voilà un roman que je n'ai pas du tout aimé.
Nicolas a dit…
J'avais bien aimé sur le coup mais avec du recul, je me souviens surtout d'un roman long, avec des passages en trop (ceux qui concerne la politique etc.) et qui parfois manque de nuance. Bref, voilà un roman que je ne relirai pas.
gruikman a dit…
Je confirme que si vous n'aimez pas la politique, le journaliste et les descriptions de la société, il faut passer son chemin! Je n'aime pas en général ce genre de livres mais celui-là (au même titre que Ellroy) est au dessus du lot dans son genre et il vaut vraiment le détour. Mais ce n'est pas une littérature d'été ça sauf si vous avez envie d'empaler votre voisin de plage trop bruyant avec le piquet du parasol où, dans ce cas, il pourrait vous faire réfléchir voire vous donner des idées ;)
Cindy a dit…
Bonjour,

Je viens de lire ce roman en LC avec Nelfe. Pourrais-tu m'expliquer la fin du livre (les 2 dernières pages) que je n'ai pas du tout compris ?
Je te remercie d'avance.

Posts les plus consultés de ce blog

La cité Abraxas

MAM Paris #10 : Le peignoir jaune de Tal-Coat

Musée du Quai Branly #4 : Amériques