La place [Annie Ernaux]

L'auteur : Annie Ernaux est née en septembre 1940 en Normandie. Elevée dans un milieu modeste, elle devient institutrice puis professeur.

La place a reçu le prix Renaudot en 1984.

L'histoire : Il n'est jamais entré dans un musée, il ne lisait que Paris-Normandie et se servait toujours de son Opinel pour manger. Ouvrier devenu petit commerçant, il espérait que sa fille, grâce aux études, serait mieux que lui.
Cette fille, Annie Ernaux, refuse l'oubli des origines. Elle retrace la vie et la mort de celui qui avait conquis sa petite "place au soleil". Et dévoile aussi la distance, douloureuse, survenue entre elle, étudiante, et ce père aimé qui lui disait ! "Les livres, la musique, c'est bon pour toi. Moi, je n'en ai pas besoin pour vivre."

Mon avis : L'autre jour, jour de grève à la RATP, je me suis retrouvée à flâner dans les rayons d'une grande enseigne culturelle. Et je suis tombée sur ce petit livre. Je me suis tout de suite rappelée ce roman/témoignage proposé par Volcan dans le cadre du Circle Challenge ABC et il a aussitôt atterri dans mon panier.
La lecture commence par la mort du père. Puis, retour arrière à la naissance de cet homme, dans un milieu rural, pour raconter sa vie. Quelques fois, l’auteur prend la parole pour expliquer son choix de style littéraire : décrire la vie de son père de façon le plus naturel possible, tel que ça lui vient, et surtout tel que cela convient à son propos : une vie simple, racontée avec des mots simples. Cette vie de son père et de sa mère, qui, à bout de bras, s’élèvent dans l’échelle sociale, passe de fermiers à ouvriers puis commerçants, souhaitant mieux pour leur enfant, au risque de se couper complètement de leur vie.
On pourrait se demander si cette froideur voulue est une façon de montrer que leur relation n’était pas forte et qu’Annie Ernaux le déplore, ou si cela relève plus de la douleur d’avoir perdu ce père qu’elle ne connaissait que peu. Pourtant, à mon sens, transparait une réelle admiration pour cet homme. Peut être pas sur la vision qu’elle en avait sur le moment, mais dans le choix des mots précis qu’elle fait : elle n’est jamais humiliante, on sent que, si elle n’a jamais pu dialoguer avec son père, elle est consciente que tout ce qu’il a fait était pour elle, pour qu’elle puisse avoir plus que lui, le choix de ce qu’elle voudrait être.
Elle se retrouve prise entre deux mondes : celui, rural, où ne pas travailler à 16 ans est honteux, on est un poids pour sa famille ; celui de la petite bourgeoisie où, il ne faut pas dire que l’État vous aide avec une bourse pour poursuivre vos études car vos parents n’ont pas les moyens de tout payer. Ni d’un monde ni de l’autre, elle finira pourtant par intégrer cette bourgeoisie par un mariage, et par se couper petit à petit de tout lien familial, comme honteuse de ses origines, malgré elle.

C’est un petit roman pudique et vraiment bien écrit. Il est vraiment intéressant. Malheureusement, je pense que je n’ai pas été suffisamment touchée par ce récit pour qu’il m’en reste grand-chose dans quelques temps. Je n’ai pas adhéré, malgré les qualités indéniables de ce récit autobiographique. Peut être le parti pris de la froideur m’a-t-il trop tenue à distance…

Dans le cadre du Circle Challenge ABC, voici la lettre E (3/26). Très très en retard, vous pouvez le dire !

Commentaires

même en étant plus jeune qu'Annie Ernaux ( qui est de la géénration de mes parents), j'ai trrouvé beaucoup d'échos dans son livre...
volcan a dit…
Merci Petite Fleur pour ton article. Personnellement j'avais lu se livre en français en 1ère et certes la froideur est là, mais je trouve qu'elle raconte sa vie sans fioritures, qu'elle dépeint un tableau vrai, sans rien y ajouter. J'aime beaucoup comme elle écrit.

Je t'aurais bien proposé de lire "Une femme", livre qui, cette fois, est consacré à sa mère, mais à toi de voir si tu te sens. "Les armoires vides" aussi est une belle œuvre.
La chèvre grise a dit…
@ Clara et Volcan : ce n'est pas désagréable, loin de là. Il y a beaucoup de pudeur dans cette histoire et ce rapport au père. C'est touchant. Mais ça aurait pu me toucher davantage si ce n'avait été raconté aussi froidement. C'est un parti pris que je comprends tout à fait ceci dit.
Irrégulière a dit…
Je n'ai pas pu dépasser la 3ème page... je n'accroche pas avec l'écriture !
La chèvre grise a dit…
@ Irrégulière : bah, le livre est tout de même petit...
Alex Mot-à-Mots a dit…
Un roman lu il y a quelques années, et que je n'avais pas aimé.
manU a dit…
Je l'ai beaucoup aimé ainsi qu'Une femme.

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