Le silence du bourreau [François Bizot]

L'auteur : François Bizot est un anthropologue français spécialiste du sud est asiatique, né en 1940.

L'histoire : 1971. Emprisonné par les Khmers rouges, l'ethnologue François Bizot doit sa libération à son geôlier, un jeune révolutionnaire idéaliste du nom de Douch.
1988. En visitant l'ancien centre de torture de S21, Bizot découvre que Douch est responsable de la mort de milliers de personnes.
2003. Bizot revoit Douch pour la première fois. Un étrange dialogue se poursuit au-delà de leur rencontre.
2009. Au procès des Khmers rouges, François Bizot est le seul témoin convoqué par la Chambre. Dans une déposition bouleversante, il expose l'interrogation au centre de sa vie - comment reconnaître les crimes des bourreaux sans mettre en cause l'homme lui-même ? Comment faire face à Douch sans nous regarder dans le miroir ?

Mon avis : En ce moment, je n'ai pas de chance dans mes lectures. Après mon abandon de Chez les heureux du monde d'Edith Wharton, j'abandonne cette lecture-ci, mais pour des raisons totalement différentes.
Revenons sur les raisons qui m'ont fait choisir ce livre : je ne connais les Khmers rouges que de nom, ces deux mots accolés synonymes d'un pays entier dont la population a connu la terreur. Alors lorsqu'on me propose le témoignage d'un français qui s'est retrouvé dans un camp et qui a pu en réchapper, je me suis dit que cela pouvait être intéressant.
Intéressant, le livre de François Bizot l'est indubitablement. Il mène ici une vraie réflexion sur ce qui fait un bourreau, sur le mal et sa banalité, pourtant si caractéristique de la nature humaine. L'auteur ose montrer qu'un bourreau est avant tout un homme et il cherche ce moment clé qui fait basculer toute une vie. Pourquoi Douch aura-t-il été pour lui un sauveur alors qu'il en aura tué tant d'autres ? Comment se peut-il que la fille de François Bizot regarde Douch en pensant qu'elle n'aurait jamais revu son père s'il n'avait pas été là, alors que tant d'autres rêvent que cet homme n'ait jamais existé pour que leur propre père soit encore en vie ? La scène d'ouverture du livre est d'ailleurs très éclairante : le jeune François ne sait que faire de sa chienne suite au décès de son père et choisit de la tuer, alors qu'il l'adorait. Il aura lui aussi été bourreau et c'est bien parce qu'il endosse ensuite le rôle de victime dans les camps des Khmers rouges qu'il peut se permettre de poser ces questions que tout le monde se posent mais qui ne sont pas politiquement correctes. Trop souvent on se limite à refuser le monstre, à ne pas chercher à comprendre. Mais comprendre n'est pas synonyme de pardonner. Comprendre peut être une recherche nécessaire pour continuer à vivre.
Le problème de ce livre est le style terriblement complexe, ardu, difficile, dans lequel la réflexion philosophique perd souvent le lecteur. On se débat avec ce texte, on relit plusieurs fois une même phrase. Difficile de retrouver dans ce récit, plus proche d'un essai, la trame de l'histoire qui nous guide. J'ai fini par laisser tomber cette réflexion philosophique donc, et j'ai eu la curiosité d'aller voir à la fin, où j'ai trouvé les annexes, beaucoup plus claires, qui expliquent bien les faits.

Merci tout de même aux éditions Folio et à Livraddict pour ce partenariat.

Commentaires

Anonyme a dit…
Dommage que le style ne rende pas abordable un sujet aussi essentiel...
zarline a dit…
Le thème et la réflexion m'intéresse beaucoup mais ce que tu dis du style me freine un peu. Je vais essayer de le feuilleter pour me faire une idée mais malgré mon intérêt, je ne pense pas durer sur la longueur si le tout est trop obscur... A voir!
Miss Léo a dit…
J'ai beaucoup aimé ce livre ! Contrairement à toi, je n'ai pas du tout été gênée par le style. Je m'attendais à quelque chose de très ardu, mais je l'ai finalement lu avec beaucoup de facilité (j'en ai d'ailleurs été la première surprise). J'ai trouvé la réflexion passionnante. Il faut dire que le génocide cambodgien est un sujet qui me tient à coeur, et sur lequel je me suis déjà pas mal documentée !
Si le thème t'intéresse, je te conseille de lire la BD "L'année du lièvre", de Tian (j'en ai parlé sur mon blog), ainsi que le témoignage de Rithy Panh ("L'élimination"). Ceux-ci se concentrent davantage sur les faits.
La chèvre grise a dit…
@Ys : oui, tout à fait. Et encore heureux que j'ai eu la curiosité d'aller voir les annexes, qui elles sont vraiment très intéressantes et lisibles !

@zarline : je ne suis pas la seule à faire ce reproche, malgré le sujet vraiment intéressant.

@Miss Léo : oui, j'avais vu ton avis. Effectivement, la réflexion est passionnante, mais le style, franchement, je n'ai pas pu. Même si le sujet est très intéressant. Je regarderai les titres que tu conseilles. Merci !
Alex Mot-à-Mots a dit…
Ne lire que les annexes de ce livre, alors.

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