American sniper, de Clint Eastwood

Film américain de Clint Eastwood, sorti le 18 février 2015, avec Bradler Cooper et Sienna Miller.

L'histoire : Tireur d'élite des Navy SEAL, Chris Kyle est envoyé en Irak dans un seul but : protéger ses camarades. Sa précision chirurgicale sauve d'innombrables vies humaines sur le champ de bataille et, tandis que les récits de ses exploits se multiplient, il décroche le surnom de "La Légende". Cependant, sa réputation se propage au-delà des lignes ennemies, si bien que sa tête est mise à prix et qu'il devient une cible privilégiée des insurgés. Malgré le danger, et l'angoisse dans laquelle vit sa famille, Chris participe à quatre batailles décisives parmi les plus terribles de la guerre en Irak, s'imposant ainsi comme l'incarnation vivante de la devise des SEAL : "Pas de quartier !" Mais en rentrant au pays, Chris prend conscience qu'il ne parvient pas à retrouver une vie normale.

Mon avis : Comme je le disais dans mon billet sur Jersey Boys, le précédent film de Clint Eastwood, le réalisateur est capable du pire comme du meilleur. Et parfois d'un film honorable sans être marquant. Et c'est le cas ici.

Comme d'habitude, rien à redire sur la qualité de la mise en scène. C'est du Eastwood pur jus, bien réalisé, sans surprise ou effet particulier. Rien à dire non plus sur les prestations de Bradley Cooper ou Sienna Miller. Eastwood sait s'entourer d'acteurs qui ont de la présence tout en faisant vivre réellement leurs personnages. Le débat est donc plus sur le sujet : un héros de la guerre en Afghanistan. Le personnage a réellement existé et les grandes lignes de sa vie sont respectées, même si le réalisateur ne s'intéresse ici qu'aux faits.

Chris a été élevé à la dure, son père n'hésitant pas à sortir le ceinturon, confondant terreur et admiration dans l’œil de sa femme et de ses enfants. Son crédo auprès de Chris pourrait se résumer à "soit un homme mon fils, ne pleure pas, bats toi". Chris doit donc défendre les faibles, en l'occurrence son petit frère, et s'occuper de la ferme familiale. À aucun moment il n'est autorisé à réfléchir et à remettre en cause la parole des plus grands pour se construire sa propre idée. En grandissant, il va trouver tout naturellement son destin dans l'armée. Il veut défendre son pays, en danger après les attentats du 11 septembre. Un rapide mariage et il part donc en Afghanistan.

Certes, la légitimité de l'engagement de l'armée américaine n'est jamais remise en cause. En même temps, ce n'est absolument pas le propos. Le film se concentre bien plus sur les séquelles des horreurs que les hommes voient ou font sur le terrain. Une fois rentrés chez eux, ils ne peuvent pas retrouver si aisément le quotidien de leur vie d'avant. Leurs proches ont continué alors qu'eux étaient au front. Impossible de se réadapter. La guerre reste présente et Chris surveille le moindre comportement bizarre, le moindre bruit suspect. Toujours sur le qui-vive. Le stress post-traumatique est là. Les camarades ont beau tous crier Hooyah dès qu'ils se croisent, les marques de l'horreur sont présentes sur leurs corps, quand ils survivent.

Ce qui gêne le spectateur, c'est qu'à aucun moment Chris ne s'interroge. Tout ce qui le ronge, c'est de ne pas pouvoir protéger ses camarades. À aucun moment il ne se questionne sur ce qu'il fait là. Il est un idéaliste béat. Un peu neuneu par moment. Il ne respire pas l'intelligence, mais semble, à défaut, plein de bonnes intentions. Un brave type en somme. Habilement cependant, Clint Eastwood fait porte la prise de recul par les personnages secondaires : la femme de Chris ne reconnait plus son mari, son frère ne supporte pas le combat, les membres de son équipe ne rempilent pas où se demandent pourquoi ils sont en guerre et contre qui exactement.

Seule la fin, édulcorant passablement le travail intérieur des militaires pour retrouver un équilibre, est bien trop simpliste. À mon goût, c'est elle qui porte un peu trop la glorification d'une Amérique toute puissante, toujours dans son bon droit, qui ne se pose aucune question. Mais elle est rapidement corrigée par le générique de fin, sans aucune bande son, qui permet au spectateur de se poser des questions. Le sujet n'est-il pas davantage la ruine d'une nation, incapable d'aider et de protéger les siens, plutôt que celle d'un homme ?

Des bizarreries donc, pour un film plutôt réussi, sans être une réelle révolution. On n'y trouvera pas le questionnement inhérent d'un Full Metal Jacket ou d'un Apocalypse Now sur la guerre du Vietnam. Mais il ne s'agit aucunement d'un film patriotique de plus. À chacun de se poser les questions car personne ne peut le faire à notre place.
 

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