La maladroite [Alexandre Seurat]

L'auteur : Né en 1979, Alexandre Seurat est professeur de français. La maladroite est son premier roman.

L'histoire : Diana, 8 ans, a disparu. Ceux qui l'ont approchée dans sa courte vie viennent prendre la parole et nous dire ce qui s'est noué sous leurs yeux. Institutrices, médecins, gendarmes, assistantes sociales, grand-mère, tante et demi-frère...

Mon avis : Ce roman a fait beaucoup de bruit depuis sa sortie en août dernier. La blogosphère l’a acclamé. Et c’est avec circonspection que je me suis lancée, craignant un côté voyeurisme à la lecture de cette histoire tirée d’un fait réel.

La maladroite raconte l'histoire d'une mise à mort, celle d'une petite fille qui n'avait rien demandé à personne. Le drame se déroule en coulisses et l'auteur n'entre jamais dans les détails. Les gestes honteux existent dans les blancs laissés volontairement, dans les ellipses. La volonté de vivre de Diana et son acceptation de la situation font face à la volonté de détruire de ses parents. Petit à petit, page après page, le malaise s'installe, puis la nausée. C'est le cœur lourd qu'on referme ce livre, avec un profond dégoût.

Ce roman est centré sur un personnage qui ne s'exprime jamais, ou quasi. Si Diana est maladroite, elle est aussi absente. Si petite, si absente et pourtant si importante par la place qu'elle prend dans la vie de certains protagonistes, qu'elle les gêne ou qu'elle les bouleverse. Qu'elle les pousse à se remettre en questions ou à s'excuser trop facilement. Elle si effacée en devient le symbole d'une vie
 
Entre des adultes qui voudraient bien agir mais ne savent pas comment, ou sont contraints par le système, entre des adultes qui s'en fichent et ne veulent surtout pas prendre la responsabilité d'agir, la petite Diana n'avait aucune chance. Pour éviter de tomber dans le pathos, l'auteur décide de ne pas juger les protagonistes, chacun parlant d'une même voix. Procédé un peu facile, qui laisse toute la place à l'émotion que le sujet ne peut qu'amener. J'aurais aimé voir plus de différences dans la prise de parole de chacun, un ton, un vocabulaire différent. Cela aurait été certes un prise de risque pour Alexandre Seurat, mais c'est bien ce que doit faire un auteur. Au final, plutôt qu'un roman, c'est ici une revue de témoignages quasi réels qu'il nous livre.

Une histoire forte et dérangeante, mais un parti pris narratif qui me questionne.

"Quand j'ai vu l'avis de recherche, j'ai su qu'il était trop tard. Ce visage gonflé, je l'aurais reconnu même sans son nom - ces yeux plissés, et ce sourire étrange - visage fatigué, qui essayait de dire que tout va bien, quand il allait de soi que tout n'allait pas bien, visage me regardant sans animosité, mais sans espoir, retranché dans un lieu inaccessible, un regard qui disait, Tu ne pourras rien, et ce jour-là j'ai su que je n'avais rien pu." (p°11)

La maladroite, d'Alexandre Seurat
La Brune au Rouergue
Août 2015

Commentaires

Faurelix a dit…
C'est un livre que je devrais lire bientôt (comme tous les autres d'ailleurs) mais je prendrai sûrement le temps de sentir le moment pour l'ouvrir ;)
La chèvre grise a dit…
@ Faurelix : oui, il vaut mieux lire ce genre d’œuvre lorsque nos nerfs sont bien accrochés.
Alex Mot-à-Mots a dit…
J'ai trouvé le parti-pris narratif plutôt audacieux.
c'era una volta a dit…
Je crois qu'il faisait partie des livres que j'avais choisi pour les MRL, j'ai reçu Otages intimes, mais je sais que je lirai ce titre de toute manière parce que le sujet m'interpelle.

Maintenant je suis curieuse de voir ce qu'il en est de ce fameux choix narratif (j'ai peu de doutes sur le fait que le contenu lui me touche).

Merci de ton avis (encore et toujours bien posé)

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