Plus haut que la mer [Francesca Melandri]

L'auteur : Francesca Melandri, née en 1964, est une scénariste, documentariste et auteur italienne. Elle a obtenu le prix Stresa 2012 pour Plus haut que la mer.

L'histoire : 1979. Paolo et Luisa ne se connaissent pas. À bord du bateau qui les emmène sur l'Île où sont détenus leurs proches, chacun ressasse la tragédie dont il a été victime. Le fils de Paolo a été condamné pour des actes terroristes. Le mari de Luisa pour avoir tué deux hommes. Le mistral empêche les visiteurs de regagner la côte. Ils passent la nuit sur l'Île, surveillés par un agent, Pierfrancesco, avec qui une étrange complicité va naître.

Mon avis : Enfermés sur une île-prison, ce sont trois vies qui vont se dévoiler. Celle de Luisa d'abord, dont le mari est emprisonné pour avoir battu à mort un homme. Son emprisonnement l'a laissé seule avec ses 5 enfants et une ferme à gérer. Mais ça a aussi été un soulagement qu'elle n'ose s'avouer. Celle de Paolo ensuite, père veuf d'un fils embarqué dans le terrorisme. Celle de Pierfrancesco enfin, gardien de la prison.

Luisa et Paolo se retrouvent prisonniers à leur tour de l'Île, coincés par une mer déchaînée qui va les libérer. Pierfrancesco devra les surveiller durant la nuit avant le retour du bateau qui les ramènera sur le continent. Ce temps propice à l'introspection va leur permettre de s'avouer ce qu'ils n'ont pas osé jusque là. De s'alléger d'un poids en se dévoilant. Bien au-delà de la souffrance des détenus, c'est celle des familles qui est mise en lumière, celles de ceux qui doivent continuer sans leur proche. Mais aussi celle des gardiens de prison, toujours confrontés à la violence et qui risquent de s'y perdre.

Avec pudeur, Francesca Melandri révèle les sentiments, rend les silences bruyants, dévoile les non-dits dans un seul regard, un seul geste. Mais bien plus que l'histoire, c'est l'ambiance qui m'aura ici marquée. Cette mer déchaînée qui s'oppose tant aux émotions si longtemps contenues pour faire face, donner l'illusion d'une vie maîtrisée quand tout part à vau l'eau. Ces êtres coincés dans le paraître vont être libérés par les éléments.

En toile de fond, on découvre les années de plomb de l'Italie : lorsque le jugement tombe, lorsqu'un être humain en tue un autre, c'est un peuple tout entier qui souffre. Et une sorte de douceur finit par s'échapper de toutes ces douleurs, sans jamais aucun jugement.

"Quand Paolo apprenait ces histoires, ruisselantes de souffrance comme un liquide en putréfaction, il n'éprouvait qu'un seul désir : en rester éloigné. Se réfugier dans sa propre et unique douleur. Aiguë, peut-être insupportable, mais du moins familière." (p°99)


Plus haut que la mer, de Francesca Melandri
Traduit par Danièle Valin
Folio
Mars 2016

Commentaires

Alex Mot-à-Mots a dit…
Il circule dans mon club de lecture. J'ai hâte de le lire....
dasola a dit…
Bonsoir La chèvre grise, j'ai beaucoup aimé ce roman découvert sur un blog. Je l'ai fait lire autour de moi avec beaucoup de succès. Un beau roman où l'auteur ne juge pas ses personnages. Bonne soirée.
La chèvre grise a dit…
@ Alex Mot-à-Mots : j'attends ton billet alors.

@ Dasola : Tout à fait, il n'y a pas de jugement et c'est ce qui fait une partie de son charme.
c'era una volta a dit…
Tiens j'étais persuadée de t'avoir laissé un commentaire...

C'est dingue non de se dire que ces personnes trouvent le moyen de se libérer, libérer la parole, les émotions sur une île prison où ils se trouvent prisonniers des éléments. Et à l'image de la tempête, c'est une déferlante de sentiments contenus jusque-là.

J'aime "rend les silences bruyants"...

Et oui ce qui plaît aussi ici c'est l'absence de jugement et la douceur qui au final se dégage de cette histoire.

J'ai beaucoup aimé.

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