Leçons de grec [Han Kang]

L'auteur : Han Kang est une auteur sud-coréenne née en novembre 1970. Elle est la fille de l'écrivain Han Seung-won et enseigne au Seoul Institute of Arts. Elle est la lauréate du Man Booker Price 2016 avec son roman précédent La végétarienne.

L'histoire : Leçons de grec est le roman de la grâce retrouvée. Au cœur du livre, une femme et un homme. Elle a perdu sa voix, lui perd peu à peu la vue. Les blessures de ces personnages s'enracinent dans leur jeunesse et les ont coupés du monde.

À la faveur d'un incident, ils se rapprochent et, lentement, retrouvent le goût d'aller vers l'autre, le goût de communiquer.

Mon avis : Une envie de littérature différente m’a fait accepter ce partenariat en optant pour de la littérature coréenne. Je pensais, à lire la quatrième de couverture, assister davantage à la rencontre de cet homme et cette femme et à leur résurrection. En fait, non. C’est plutôt le chemin qui les conduit à cet instant de renouveau que le lecteur va découvrir. Et c’est également très joli.

Des deux personnages, le lecteur ne saura jamais les noms, ce qui m’est apparu un peu déstabilisant au départ, d’autant qu’on ne sait pas toujours lequel prend la parole. Mais on devine bien vite que c’est pour mieux souligner l’importance du corps dans la communication. Pas besoin de mots pour dire les blessures intimes qui vont les mener à se rencontrer.

Lui cache sa cécité grandissante à l'école dans laquelle il enseigne, auprès d'élèves plus ou moins motivés. Elle s'est inscrite à son cours pour tromper sa peur des mots, surtout de ceux qu'elle ne peut plus prononcer depuis qu'elle a perdu son travail et la garde de son fils. Une grande partie de ce roman porte sur des flashbacks qui montrent la faillite du corps de chacun, les poussant à s'enfermer dans un monde qui leur est propre, ne partageant rien avec les autres, dans l'incapacité totale de communiquer, effrayés par cette solitude qui les entoure de plus en plus.

Avant cette rencontre, l’auteur prend le temps de nous montrer chacun dans sa vie intime, dans ses souvenirs et ses sensations, dans sa relation aux autres, ajoutant par touche une profondeur à chaque personnalité au fur et à mesure que la lecture avance. Ce n'est qu'à la toute fin que nos deux protagonistes vont retrouver ensemble, après un bête accident, le goût du partage.

Entre les deux, Han Kang nous livre ici un roman subtil sur le rapport à l’autre et la résilience, avec une écriture pleine de poésie. Un grand merci aux éditions du Serpent à plumes pour cette découverte.

"Il arrive que tous deux s'observent. En attendant l'heure. Pendant le cours. Dans le couloir pendant la pause, devant le bureau. Progressivement, le visage de l'homme est devenu familier. Ses traits, ses expressions et ses gestes ordinaires se sont mués en traits, expressions et gestes particuliers. Mais elle n'y accorde aucune importance. Parce qu'elle n'a jamais traduit cette évolution en langage." (p°91)

Leçons de grec, d'Han Kang
Traduit par Jeong Eun-Jin et Jacques Batilliot
Le serpent à plumes
Août 2017

Commentaires

Alex Mot-à-Mots a dit…
Je ne serais pas allée vers ce titre, mais ton billet me donne envie de découvrir ce livre.
La chèvre grise a dit…
@ Alex Mot-à-mots : merci :)

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