Juste après la vague [Sandrine Collette]

L'auteur : Sandrine Collette est une romancière française née en 1970 à Paris. Elle s'est fait remarqué en 2013 avec son premier roman Des nœuds d'acier.

L'histoire : Une petite barque, seule sur l'océan en furie. Trois enfants isolés sur une île mangée par les flots. Un combat inouï pour la survie d'une famille.

Il y a six jours, un volcan s'est effondré dans l'océan, soulevant une vague titanesque, et le monde a disparu autour de Louie, de ses parents et de ses huit frères et sœurs. Leur maison, perchée sur un sommet, a tenu bon. Alentour, à perte de vue, il n'y a plus qu'une étendue d'eau argentée. Une eau secouée de tempêtes violentes, comme des soubresauts de rage. Depuis six jours, ils espèrent voir arriver des secours, car la nourriture se raréfie. Seuls les débris et des corps gonflés approchent de leur île. Et l'eau commence à monter. Les parents comprennent qu'il faut partir vers les hautes terres, là où ils trouveront de l'aide. Mais sur leur barque, il n'y a pas de place pour tous. Il va falloir choisir entre les enfants.

Mon avis : Qu'on se le dise tout de suite, le cœur du roman n'est pas le choix impossible des enfants qui doivent embarquer. Celui-ci est plié assez rapidement. Non, le propos est celui de la déchirure induite par ce choix : comment vivre avec, des deux côtés ? Une famille, c'est un tissu qui unit chacune de ses entités au-delà des sentiments et des mots, un refuge absolu. Mais ce refuge vole en éclats. Et puis, il est également question de résilience même si la fin ne dit pas tout. En tout cas la question de l'après est forcément posée : comment supporter ensuite, plus tard, les conséquences du choix qui a été fait ?

Les choix compliqués et inextricables, les personnages de Sandrine Collette sont amenés à en faire beaucoup ici : partir ou attendre, manger ou jeûner, tuer ou être tué, mentir ou dire la vérité... Chacun à sa manière, en n'en comprenant pas toujours les implications, les personnages de ce roman prennent donc des décisions et orientent leur destin et celui de ceux qui les suivent. Si le début m'a paru assez longuet, la deuxième moitié est plus anxiogène : la mer monte inexorablement, les décisions deviennent urgentes. Mais comment ? La barque finit par partir, en laissant trois sur l'île. À partir de là, nous allons suivre d'un côté la situation des trois restés sur l'île, et celles des autres dans la barque qui prend la direction des terres hautes. Il faut faire face à la surprise, la douleur et la colère, l'incompréhension, la lancinante question "Pourquoi ?" qui n'a pas forcément de réponse intelligible. L'apprentissage se fait dans la douleur. Et l'espoir doit rester chevillé au corps. Le lecteur avec eux se prend à croire et à espérer une fin heureuse, malgré tous les aléas.


Si vous aviez des envies de balades en mer, ce roman risque de vous vacciner pour un certain temps de l'eau salée. Et en plus, avec les inondations et crues que nous connaissons actuellement, je peux vous dire que ce roman a pris une ampleur inattendue et trouvé un écho d'autant plus angoissant !

"Alors ils guettèrent les progrès de la mer. Le neuvième jour, le gros caillou du bas du jardin disparut. Le dixième jour, les vingt-huit poules et le coq qui avaient survécu au raz-de-marée s'éveillèrent les pattes dans l'eau, le poulailler inondé. Louie leur ouvrit la porte, les laissant s'égailler sur l'île ; de toute façon, les renards avaient crevé depuis belle lurette.
Le onzième jour, le temps se mit à changer. La chaleur du mois d'août céda au cours d'un orage, il faisait une touffeur écrasante. Aussi quand ils virent les éclairs arriver, quand le tonnerre roula au fond de l'horizon avec des craquements sinistres, les enfants crièrent de joie. Louis et Perrine cependant se regardèrent en coin, et regardèrent le père, qui humait l'air.
- Ils sont jaunes les nuages, dit Louie.
Pata répondit : Je sais - et les deux petiots comprirent qu'ils devaient se taire, que le ciel était anormalement chargé et les nuages d'un ocre menaçant, les choses n'allaient pas comme il aurait fallu." (p°20)

Juste après la vague, de Sandrine Collette
Éditions Denoël
Janvier 2018

Commentaires

Alex Mot-à-Mots a dit…
Il me tarde de le lire.
La chèvre grise a dit…
@ Alex MOt-à-mots : bonne découverte alors.

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