Valet de pique [Joyce Carol Oates]

L'auteur : Joyce Carol Oates, née en juin 1938 dans l'état de New York,  est une femme de lettres américaine : poétesse, romancière, dramaturge, essayiste, nouvelliste, elle essaie tout, même le roman policier sous pseudonyme.

L'histoire : Quel auteur n'envierait le sort d'Andrex J. Rush ? Écrivain à succès de romans policiers vendus à plusieurs millions d'exemplaires dans le monde, père de famille heureux, Andrew vit dans une petite ville du New Jersey où il trouve le calme nécessaire pour édifier son œuvre.
Mais Andrew a un secret que même ses plus proches ignorent : sous le pseudonyme de Valet de pique, il écrit des romans noirs, violents, pervers, romans qui scandalisent autant qu'ils intriguent le monde littéraire.
Cet équilibre tout en dissimulation qu'Andrew a patiemment élaboré va être menacé. Au départ, la plainte d'une voisine, Mme Haider, probablement un peu dérangée, qui l'accuse d'avoir plagié ses romans autopubliés. Parallèlement sa fille lui pose des questions gênantes après avoir trouvé des traces autobiographiques dans un roman du Valet de pique ; sa femme Irina est soupçonnée par Andrew d'entretenir une liaison avec un professeur de maths. Ces éléments menaçants vont réveiller chez Andrew des fantômes du passé, réveiller aussi la voix désormais plus insistante et terrifiante du Valet de pique...

Mon avis : Joyce Carol Oates. Voici un nom que j’ai beaucoup croisé sur la blogosphère. Depuis le temps que je souhaitais la découvrir, je me suis décider l’an dernier à acheter son roman Le Valet de pique. Et me voici à le découvrir. Ce personnage qui donne le titre du roman est le Mister Hyde de l'écrivain Andrew J. Rush. Ce dernier, auréolé de son succès, qui lui pèse un peu, écrit sous pseudonyme des romans plus trash. Mais la frontière entre les deux personnalités devient de plus en plus poreuse, jusqu’à ce que le Valet de pique le phagocyte complètement.

En prenant comme sujet principal celui d’un écrivain en mal de création, l’auteur touche à l’hommage des grands noms de la littérature anglophone, souvent classiques, mais aussi avec une insistance particulière sur le très contemporain Stephen King. Il y a donc beaucoup de références, qui m’ont fait tiquer car je ne suis pas fan du name-dropping. Pour autant, l’ensemble ne prend à aucun moment un tournant rébarbatif. En fait, ce qui est fascinant c’est cette mise en abîme de l’auteur qui analyse la différence entre l’homme et l’écrivain. Et comment tout cela peut se compliquer lorsque l’auteur choisit en plus d’écrire également sous pseudonyme, comme s’il donnait vie à une troisième personnalité. Le pseudonyme permet-il alors de révéler une part cachée de la personnalité initiale qui ne pouvait pas s’exprimer ? Est-ce juste un rôle de plus ? Joyce Carol Oates sait très bien de quoi elle parle ici, elle-même usant de pseudonymes.

Le récit est rapide et ne s’embarrasse pas de fioritures inutiles. L’auteur va droit au but, tout en laissant place à la suggestion par moment. C’est ainsi qu’on sent progressivement que quelque chose cloche chez Andrew J. Rush. Son être semble se fissurer, dans la façon qu’il a de parler de lui à la troisième personne, dans ses absences qui laissent libre cours à son alter égo pour créer, ou encore dans les dialogues qu’il mène. Le personnage révèle une vulnérabilité qui, au lieu d’attendrir le lecteur, va le braquer contre lui. C’est une véritable faille qui montre son narcissisme, son égocentrisme et une cruauté d’autant plus effrayante qu’elle a été refoulée depuis longtemps. Tout cela met en place une atmosphère un peu étrange, sombre et inquiétante. Qui se mâtine de fantastique lorsqu’apparaît C.W. Haider.

Une belle découverte qui livre cependant une fin attendue. Il me faudra donc retenter l’expérience pour avoir un vrai aperçu du talent de l’auteur.


Valet de pique, de Joyce Carol Oates
Traduit par Claude Seban
Éditions Philippe Rey
Mars 2017

Commentaires

keisha a dit…
S King n'est pas connu de mes services (!) alors Oates est passée à côté de moi. Un bon démarrage de ce roman, puis pfff j'ai moins accroché.
La chèvre grise a dit…
@ keisha : j'ai lu du King mais sincèrement je ne trouve pas que ce soit un bon écrivain. Ok pour la peinture d'une société américaine d'une époque. Pour le reste, ça à tendance à me gonfler. Je me suis passablement ennuyée en lisant "Misery" que beaucoup me disait être un chef d’œuvre.
Alex Mot-à-Mots a dit…
J'ai lu ou tenté de lire plusieurs romans. Certains ont été des coups de coeur, et j'en ai abandonné d'autres.
La chèvre grise a dit…
@ Alex Mot-à-mots : Je crois que j'ai vu un téléfilm basé sur le roman "Nous étions les Mulvaney" et ce n'était pas joyeux joyeux. Alors j'hésite pas mal à me lancer dans un autre, sans trop savoir dans quoi je mets les pieds. Je me lancerai bien un jour.

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