Les simples [Yannick Grannec]

L'auteur : Yannick Grannec est une écrivaine française née en 1969 qui a reçu le prix des libraires 2013 pour son premier roman La déesse des petites victoires. Les simples est son troisième roman.

L'histoire : 1584, en Provence. L'abbaye de Notre-Dame du Loup est un havre de paix pour la petite communauté de bénédictines qui y mène une existence vouée à Dieu et à soulager les douleurs de Ses enfants. Ces religieuses doivent leur indépendance inhabituelle à la faveur d'un roi, et leur autonomie au don de leur doyenne, sœur Clémence, une herboriste dont certaines préparations de simples sont prisées jusqu'à la Cour.
Le nouvel évêque de Vence, Jean de Solines, compte s'accaparer cette manne financière. Il dépêche deux vicaires dévoués, dont le jeune et sensible Léon, pour inspecter l'abbaye. À charge pour eux d'y trouver matière à scandale, ou à défaut... d'en provoquer un.
Mais l'évêque, vite dépassé par ses propres intrigues, va allumer un brasier dont il est loin d'imaginer l'ampleur.
Il aurait dû savoir que, lorsqu'on lui entrouvre la porte, le diable se sent partout chez lui. Évêque, abbesse, soigneuse, rebouteuse, seigneur ou souillon, chacun garde une petite part du Malin. Et personne, personne n'est jamais aussi simple qu'il y paraît.

Mon avis : Direction la Provence et précisément près de Saint-Paul-de-Vence pour une histoire de femmes, dont l’existence est rythmée par les saisons et les offices.

Au sein de l’abbaye Notre-Dame-du-Loup, sœur Clémence, la doyenne, manipule les simples, ces plantes médicinales dont les propriétés peuvent calmer les maux des autres sœurs, mais aussi des patients qu’elles reçoivent parfois dans leur hôpital. Ces médicaments, elles les vendent à l’extérieur de leurs murs jusqu’à la Cour de France où ils sont très prisés. Un statut privilégié qui attire bien des convoitises, à commencer par celles de l’évêque, car la communauté des louventines échappe à son autorité. Et la manne financière que représente le commerce des produits pharmaceutiques aussi.

Une situation qui ne peut pas durer : sous l’écho de la réforme protestante et d’un temps de chasse aux sorcières, l’évêque Jean de Soline, va introduire le loup dans la bergerie et attiser les anciennes rivalités familiales, politiques et religieuses pour arriver à ses fins. Au final, personne n’y gagnera.

Servie par une belle écriture qui sait mettre en avant le décor de verdures, de combes et de vallées, l’histoire est passionnante. Yannick Grannec dispose dès le début tous les ingrédients pour nous livrer une intrigue prenante et elle sait faire revivre une époque et nous transmettre les inquiétudes d’un temps lointain. J’ai adoré me retrouver à l’intérieur de la clôture et vivre aux rythmes des offices avec les Marie et les Marthe. J’ai adoré les excursions au-delà des murs pour la cueillette ou les soins. J’ai adoré la galerie de personnages tous plus humains, qu’ils soient religieux ou non.

En dehors de la sympathie immédiate qu’on peut ressentir pour la sœur Clémence, dont le grand âge permet une liberté de pensée qui nous livre beaucoup sur cette époque, le personnage clé est celui de la novice Gabrielle qui, touchée par la grâce, a décidé de prendre définitivement l’habit. Son chemin semble tout tracé : remplacer l’abbesse à la tête de l’abbaye. En croisant le chemin de Léon de Sine, envoyé par l’évêque, elle découvre la dure réalité des femmes à cette époque : elles ne sont pas maîtresses de leur destin, toujours soumises au bon vouloir des hommes, que ce soit un père, un frère ou un évêque.

Un roman que je vous conseille fortement. Quant à moi, je ne vais pas tarder à sortir le premier roman de l'auteur de mes étagères, où il prend la poussière depuis bien trop longtemps.


"Il en est souvent des êtres comme des simples, pense sœur Clémence, moins le sol leur donne, plus robustes ils sont. Les buissons des garrigues, habitués aux terrains secs et rocailleux offrent une force résineuse intense par comparaison à celle d’une herbe poussée sur une riche glèbe. Quant aux plantes des jardins clos, elles se montrent sujettes à la maladie et la complainte." (p°78)


Les simples, de Yannick Grannec
Éditions Anne Carrière
Août 2019

Commentaires

Alex Mot-à-Mots a dit…
Si j'ai bien accroché à la première partie du roman, la suite et la fin m'ont déçu. J'avais, et de loin, préféré son premier.
La chèvre grise a dit…
@ Alex Mot-à-mots : oui, j'avais vu ton avis. N'ayant pas lu le premier, je ne peux pas comparer. Mais en tout cas, je n'ai pas été déçue par celui-ci : j'ai aimé l'ambiance, la fin ne m'a pas gênée, il faut bien que tout ce petit monde soit chamboulé car c'est à la fois l'histoire (introduction d'un élément perturbateur) et l'Histoire (fin du Moyen-Age).
nathalie a dit…
Moi j'ai beaucoup aimé l'univers, l'évocation historique, tout ça, mais pas vraiment l'écriture justement. C'est dommage. Ceci dit, je recommande quand même !
Karine a dit…
Oh, je l'ai celui-là. Je me fais un plaisir de le lire!

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