BD Express #20

Fatale, de Cabanes et Manchette

L'histoire : Elle s'appelle Aimée Joubert. Ou peut-être pas. Elle s'installe à Bléville. Ça aurait pu être ailleurs. Cette ville portuaire a-t-elle quelque chose de spécial ? Non, justement, c'est une ville comme les autres. Confinée dans ses certitudes, rongée par ses doutes. Un vase clos où les notables nagent en eaux troubles. Comme toujours, comme partout. Alors pourquoi Aimée Joubert a-t-elle choisi de remuer la vase ici ? Parce que lorsque son doigt appuie sur la détente, il est aussi celui du destin. Aimée est venue apporter la tempête. Fatale.

Mon avis : Tiré du roman de Jean-Patrick Manchette, paru en 1977, voici un album adapté par Max Cabanes. Je n’ai pas lu l’œuvre originale, c’est donc avec un œil innocent que je me suis plongée dans cet album.

Tout tourne autour d’Aimée, jeune femme énigmatique qui arrive dans une petite ville portuaire. Elle s’installe, se mêle aux notables locaux. On la sait, dès la scène d’ouverture, capable du pire. Mais qu’est-ce qui la motive ? Quel mystère cache-t-elle ? L’action se met lentement en place. La tension monte. Mais la chute est juste totalement ratée. Au final, le personnage d’Aimée est peu crédible et c’est assez décevant. On ne comprend pas bien ce qui l’habite réellement et pourquoi elle se livre à de tels stratagèmes. On sort de ce récit sans savoir grand-chose sur elle.

Par contre, ce récit écorne passablement la bourgeoisie provinciale. Le graphisme et les couleurs sont particulièrement adaptés pour rendre l’ambiance noire de l’intrigue. C’est donc très dommage de ne pas avoir su complètement exploiter ce contexte pour livrer une histoire qui aurait pu être beaucoup plus forte.


Je vais rester, de Trondheim et Chevillard

L'histoire : Fabienne et Roland débarquent à Palavas pour passer la semaine. Roland a tout payé, tout organisé et scrupuleusement consigné chaque étape du séjour dans un carnet. Ils s'apprêtent à déposer leurs bagages à l'appartement.
Soudain, elle se retrouve seule.
Stupeur, déni...
Contre toute attente, elle décide de rester.

Mon avis : Tout commence comme des vacances classiques : Roland et Fabienne arrivent à Palavas et doivent récupérer les clés de leur location. Roland à tout prévu, tout est noté sur son petit carnet. Mais Fabienne se retrouve bien vite seule et décide, contre toute attente, de rester, en suivant le programme concocté par Roland.

Est-ce du déni ? Du soulagement ? Une pause qu’elle s’accorde ? Le moment de faire le bilan d’une vie ? Fabienne ne dit pas grand-chose. Mais par la puissance du dessin, Trondheim et Chevillard surtout savent évoquer sans mot. Fabienne erre, de lieu en lieu, d’activité en activité, un peu détachée, ébahie. Regard dans le vide, pensées suspendues. Elle avance comme un automate. La rencontre avec un homme original va lui permettre d’être accompagnée et la ramener, tout doucement, sur le chemin de la vie. Comme une redécouverte. Et pour la ramener vers la lumière, le dessin est lumineux et chaud au possible. Un album doux et mélancolique plein de charme.


Il était 2 fois Arthur, de Carlé et Antico

L'histoire : Barcelone, le 23 avril 1916. Sur le ring dressé au centre de la Plaza de Toros, gants de boxe aux poings, les 2 Arthur s'affrontent. Jack Arthur Johnson et Arthur Cravan. Le premier est né aux États-Unis, premier boxeur noir à avoir remporté le titre de champion du monde des poids lourds. Le second est né en Suisse, neveu d'Oscar Wilde et boxeur dandy surnommé "Le poète aux cheveux les plus courts du monde". Tout semble opposer les deux hommes, à l'exception d'une attitude identique face à une société corsetée dans le racisme et le puritanisme : ce sont deux hommes libres. Sur le ring de la Plaza de Toros, peu importe qui sera le vainqueur. Première performance artistique pré-dada ou supercherie sportive et financière, le match des 2 Arthur s'est désormais inscrit dans la légende.

Mon avis : On découvre ici deux personnages atypiques, Jack Arthur Johnson et Arthur Cravan, deux boxeurs, l'un noir l'autre blanc mais pourtant tous les deux épris de liberté. Tout au long de ce récit, les auteurs s'attachent à nous montrer qu'au-delà de leurs différences, beaucoup de choses rapprochent ces deux hommes.

Jack Johnson était un grand boxeur qui faisait fi des remarques et du contexte raciste pour atteindre son rêve : prouver sa supériorité sur un ring. Pour autant, dans la vie, il aimait les femmes et la provocation. Les deux lui coûteront un exil. Arthur Cravan était par contre un piètre boxeur mais un dandy assumé, prétentieux et pugiliste. Le combat qui les oppose est truqué mais c'est surtout le contexte dans lequel ils évoluent qui est intéressant.

Malheureusement, j'ai trouvé la narration beaucoup trop brouillonne. A force de vouloir faire dans le psychologique, de vouloir créer du symbolique, on perd de vue les faits et le contexte qui ne sont plus que vaguement évoqués. Et cela ne suffit pas à faire vraiment découvrir ces deux êtres étonnants.

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