Loin-confins [Marie-Sabine Roger]

Lorsque j'ai appris ce printemps qu'un nouveau roman de Marie-Sabine Roger sortait en août, deux ans après ses Bracassées, j'étais joie ! C'est peu dire que je l'attendais. Alors sitôt acheté, sitôt lu.

L'histoire : Il y a longtemps de cela, bien avant d'être la femme libre qu'elle est devenue, Tanah se souvient avoir été l'enfant d'un roi, la fille du souverain déchu et exilé d'un éblouissant archipel, Loin-Confins, dans les immensités bleues de l'océan Frénétique. Et comme tous ceux qui ont une île en eux, elle est capable de refaire le voyage vers l'année de ses neuf ans, lorsque tout bascula, et d'y retrouver son père. Il lui a transmis les semences du rêve mais c'est auprès de lui qu'elle a aussi appris la force destructrice des songes.

Mon avis : Un roman de Marie-Sabine Roger, c’est une promesse de voyage. On l’ouvre sans savoir vers quelle destination l’auteur va nous embarquer, même s’il y a des constantes. La touche d’humour et le style poétique, reconnaissable entre mille, font de ses romans de vrais bijoux qui transmettent une multitude d’émotions. Marie-Sabine Roger manie la langue et les mots avec brio, derrière une simplicité apparente. Et pourtant, elle aborde toujours des thèmes graves : illettrisme, incapacité physique en tout genre, vieillesse, blessure de jeunesse. Dans ce Loin-confins que nous allons visiter, il est question de folie et de fin de vie.

Tanah se souvient de sa jeunesse, de cet attachement fort qu’elle avait pour son père, roi déchu du royaume de Loin-Confins. Cet homme lui racontait de merveilleuses histoires sur ce territoire impossible à situer sur une carte. Ils tissaient alors tous les deux une relation privilégiée dont sa mère était exclue. En grandissant, le voile de magie se déchire et la réalité prend le pas : ce père idéalisé est un homme délirant, vivant dans son monde. Pour autant, rien ne remet en cause l’amour que Tanah lui porte, lui qui lui a ouvert les portes de l’imagination.

On retrouve ici toute la beauté de la plume de Marie-Sabine Roger. Elle sait trouver les mots pour aborder le thème de la folie d’un homme tout en l’enveloppant d’amour. On note cependant une différence avec ses romans précédents : on sent moins d’humour dans ce récit, plus de gravité. D’ailleurs, pour une fois, il est écrit à la troisième personne et non à la première, freinant un peu l’empathie. Enfin, au lieu d’une histoire, c’est plus une situation qui nous est décrite. Les aventures sont fantasmées plutôt que vécues. J’avoue avoir moins adhéré du coup.

Malgré ce bémol tout à fait personnel, ce Loin-confins est encore un magnifique roman sur la magie de l’enfance que je ne peux que vous conseiller vivement.

"Aujourd'hui encore, même en sachant à quel point son père aura vécu séquestré en lui-même, et le prix exorbitant que lui auront coûté tous ses décampements, elle ne peut s'empêcher de penser que des deux, c'était sa mère la plus captive. Les pieds soudés au sol. Bétonnés dans le concret, le vrai, le quantifiable, les vérités sans poésie." (p°17)

"Aucun enfant d'une même fratrie n'est élevé de la même façon. Les parents vieillissent, gagnent en expérience ou s'enferrent dans leurs travers. Leurs conditions de vie évoluent ou régressent. Leur couple tient le cap, ou s'égare, se perd.  Les familles se recomposent, se décomposent, dans des mouvements infimes de plaques tectoniques, ou des effondrements soudains de failles." (p°148)

Loin-confins, de Marie-Sabine Roger
Éditions du Rouergue
Août 2020

Commentaires

keisha a dit…
Arrivée à la moitié, j'ai eu l'impression que ça suffisait, en fait c’était devenu longuet, j'ai laissé (en regardant la fin quand même)
Mais le monde du père et de la fille est joliment poétique et c'est bien raconté
Alex Mot-à-Mots a dit…
Longtemps que je n'ai pas lu cette autrice. Mais tu sembles moins convaincue.
La chèvre grise a dit…
@ keisha : j'ai eu cette impression un peu plus tôt, mais j'ai tenu bon, tellement j'aime l'auteur d'habitude. A la moitié, elle bascule plus sur la réalité donc j'ai mieux adhéré. Mais c'est vrai que je préfère quand elle raconte des tranches de vie de personnes abimées plutôt que des situations globales.

@ Alex Mot-à-mots : effectivement, je le suis moins :(

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