Auschwitz [Pascal Croci]

L'auteur
: Né en 1961, Pascal Croci est un scénariste, dessinateur et coloriste de bande dessinée français.

L'histoire : Quelque part en ex-Yougoslavie...
Le vieux Kazik et sa femme se souviennent d'Auschwitz...
Quand en mars 1944, ils découvrent que la barbarie revêt une forme humaine : celle du bourreau nazi.
Première bande dessinée réaliste sur la Shoah, ce récit bouleversant, directement inspiré des témoignages des survivants du camp d'Auschwitz-Birkenau, raconte le quotidien du camp d'extermination.

Mon avis: Qu’il est difficile de parler de cet album ! Le devoir de mémoire est nécessaire et tout ouvrage y participant est justifié. Il faut parler, dire ce qui a été, quel que soit la forme que cela peut prendre. Mais, sur l’album lui-même, je vais être assez critique.

Planche d'Auschwitz de Pascal Croci

Certes, les dessins sont splendides et véhiculent parfaitement l’horreur. Celle de ces hommes et femmes réduits à des « Stücks », des pièces dont on dispose pour assouvir des desseins abominables. Le réalisme des visages et des corps est percutant : les yeux écarquillés et perdus, le teint cireux, les joues creusées, les os saillants, la silhouette courbée. Je suis beaucoup plus dubitative sur le scénario par contre.

Dès l'entrée en matière, j'ai tiqué. «A l’aube des temps, les chrétiens avaient déclaré : vous ne pouvez pas vivre parmi nous comme juifs. Au Moyen-Age, les chefs séculiers décidèrent: vous ne pouvez plus vivre parmi nous. Enfin, les Nazis décidèrent : Vous ne pouvez plus vivre ». L’album s’ouvre sur ces mots chocs. Avec une telle introduction, je m’attendais à ce que soit traitée la question suivante : comment se fait-il que l’histoire de l’humanité soit pleine de périodes où les Juifs sont persécutés, jusqu’au plus abominable ? Cet angle-là ne sera pourtant jamais utilisé.

Le propos est bien et uniquement la solution finale à Auschwitz par le biais du couple Cessia et Kazik qui, en pleine guerre de l’ex-Yougoslavie en 1993, se souviennent de l’horreur vécue dans le camp d’extermination. Et là, le scénario manque de crédibilité. Comment croire que Cessia attende ce moment précis, alors qu’ils sont pourchassés et en train de reprendre leur souffle, pour raconter à son mari les derniers instants de leur fille. A l’inverse, l’auteur fait parfois preuve de liberté narrative pour être plus clair, s’éloignant alors de la réalité historique : il occulte la séquence de tatouage du numéro et fait un appel nominatif qui n’était pas

Le dossier final accompagne heureusement l’album pour expliquer la démarche et les soucis rencontrés par l’auteur ainsi que les demandes des témoins avec qui il s’est entretenu. Mais cet ajout essentiel qui apporte un élément de vérité indéniable et justifie d'une bonne intention n’arrive pas à rééquilibrer le récit.


Auschwitz, de Pascal Croci
Emmanuel Proust Éditions
Août 2002

Commentaires

Alex Mot-à-Mots a dit…
J'en garde un souvenir de lecture très fort.
La chèvre grise a dit…
@ Alex Mot-à-mots : j'imagine assez pourquoi mais j'avoue m'être attendue à plus. Le dessin met une forme de distance, plus qu'une photo en tout cas. Et les récits/ romans sont plus forts puisque c'est ton imaginaire qui fait tout le travail et qu'on sait qu'on va souvent plus loin.

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