La croisade des innocents [Chloé Cruchaudet]

J'avais beaucoup aimé le travail de Chloé Cruchaudet sur Mauvais genre, découvert en 2014. Je souhaitais découvrir un autre de ses ouvrages et c'est chose faite avec sa Croisade des innocents.

L'histoire : Début du XIIIe siècle. Colas, douze ans, vit dans un climat de pauvreté et de terreur. Un jour où il craint la violence paternelle, il décide de s'enfuir et trouve refuge dans une brasserie parmi d'autres enfants exploités. Un soir d'hiver, Colas a une vision : Jésus lui apparaît, et lui ordonne d'aller délivrer son tombeau à Jérusalem. Avec l'aide de son ami Camille, il réussit à convaincre les autres enfants de constituer une croisade : sans adultes, sans puissant chevalier, ils arpentent les routes, persuadés que, grâce à leurs cœurs purs, rien ne pourra leur arriver...


Mon avis : Histoire réelle ou légende entretenue, le récit de Chloé Cruchaudet tire sa source de la croisade dite « des enfants » (même si les participants n’étaient pas des enfants au sens propre) qui eut lieu en 1212. Un fil qui permet à l’auteure de traiter de la manipulation à partir d’un simple événement banal.

Par besoin de survie, Colas et ses amis vont voir un signe de Jésus dans la chute d’une noix : il faut partir, quitter leur misère et les mauvais traitements qu’ils subissent pour conquérir Jérusalem. Sur le chemin, toujours par nécessité, ils vont construire leurs propres règles et endoctriner d’autres arrivants, raconter le passé mais aussi prédire l’avenir. Les prémices d’une nouvelle religion en somme. En pleine chrétienté, rares sont les hommes qui les accueillent et les acceptent. Jetés sans ressources sur les chemins d’une route semée d’embûches, d’espoirs en déconvenues, ces petits êtres ne sont pas épargnés. Poussés dans leurs retranchements, ils sont petit à petit dépouillés de leur innocence mais aussi profondément persuadés de ce qu’ils racontent.

 
Derrière la délicatesse du dessin, la palette de couleur dans les dégradés de gris, se cache une véritable cruauté qui dessine un conte macabre. La critique de Chloé Cruchaudet trouve de plus un écho profond dans la situation actuelle d’endoctrinement et de la difficulté de faire ouvrir les yeux quand la croyance devient un véritable refuge pour combattre les injustices et la misère dont on peut être victime. On finit le récit sans savoir trancher entre innocence et culpabilité, entre justice et vengeance. Car après tout, le monde n’est pas noir ou blanc.  
 

La croisade des innocents, de Chloé Cruchaudet
Éditions Soleil collection Noctambule
Octobre 2018

Commentaires

Violette a dit…
c'est ce qui m'a dérangée, je crois, de ne pas trop savoir où situer ces enfants (sans pour autant aimer les mondes manichéens, hein!), j'ai préféré Mauvais genre.
La chèvre grise a dit…
@ Violette : j'ai beaucoup aimé "Mauvais genre", qui est effectivement plus facile on va dire. Celui-ci est dérangeant mais c'est ce qui fait son charme aussi je trouve quelque part.

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