Le jour où ma mère m'a tout raconté [Philippa Motte]

L'auteur
: Philippa Motte est formatrice et consultante spécialisée en santé mentale et troubles psychiques au travail. Le jour où ma mère m'a tout raconté est son premier roman.

L'histoire : Il pleut sur Montfavet ce jour-là. Il pleut sur la voiture dan laquelle Lili, révoltée, malheureuse, se sent étouffer. Devant elle, les grilles d'un hôpital psychiatrique. Son mari, Hector, prétend que c'est pour elle la seule solution. Hector que tout le monde admire, adule, Hector qui sait quoi penser et infliger aux autres. Pour Lili, la vie bascule. Derrière les murs, cependant, il y a des êtres merveilleux, étonnants, attachants. Antonin, notamment ; ou encore le Mage. Derrière les murs, surtout, il y a les pages nécessaires d'un journal intime, qui ramènent Lili à ses secrets, à ses douleurs et à son village natal de Corse, où tout se sait et tout se tait.

Mon avis : Un avis positif de Gérard Collard dans Le magazine de la santé sur ce roman m’avait intriguée. Il le décrivait comme une merveille et sa librairie lui a d’ailleurs décerné le prix du meilleur roman de l’année. Sans cette chronique du célèbre libraire, je serai complètement passée à côté car ce titre a été très peu médiatisé et c’est bien dommage.

Nous allons donc suivre trois générations de femmes, à commencer par Lili. Lorsque nous la découvrons, son mari la conduit dans un hôpital psychiatrique car elle est sujette à de brusques accès de violence. Que s’est-il donc passé ? Au fil de son journal, nous allons comprendre ce qui l’a amené là : le silence et les non-dits qui oppressent, la nécessité de faire semblant. Ce n’est déjà pas simple à vivre, mais quand en plus comme Lili vous êtes Corse, île où l’omerta fait loi, c’est peut-être encore plus compliqué. Il faudra donc trois générations de femmes, bien plus fortes qu’on ne l’imagine, pour comprendre et tenter de faire table rase d’un passé aussi lourd.

Le sujet pourrait être plombant mais l’écriture est fine, aisée, elle coule, fluide. Philippa Motte est cette troisième génération. Elle dit la nécessaire attention qu’il faut porter aux autres, la soumission totale qu’on a fait porter dans les années 60 (qu’on fait encore trop porter) aux femmes, de façon héréditaire. Oser se lever contre cet état de fait c’est forcément être folle. Lili, sa grand-mère donc, le fait mal, sûrement, mais personne ne lui a apporté une once de soutien. Au contraire, elle a été acculée dans une vie qui l’oppresse. Avec ce roman, c’est le lien filial qui se retisse, qui s’affirme, et un amour inconditionnel qui s’écrit.

Un beau portrait de femme animée d’une rage destructrice.

"Mon expérience m'a montré qu'il n'y a pas qu'une seule façon de devenir fou. Chacun couve en lui la manière dont il pourrait l'être. Chez la plupart d'entre nous, la folie ne surgit jamais dans sa forme la plus spectaculaire, elle est dormante, diffuse. Cela donne à beaucoup de gens l'illusion rassurante que chez eux elle n'existe pas. Mais chez d'autres, elle s'exprime, en puisant dans leur histoire, leur personnalité, leur culture, leurs croyances, leurs traumatismes et leurs secrets." (p°109)


Le jour où ma mère m'a tout raconté, de Philippa Motte
Éditions Stock
Mai 2021

Commentaires

Alex Mot-à-Mots a dit…
Pour la rage de ce roman, alors.
La chèvre grise a dit…
@ Alex MOt-à-mots : oui, et la force malgré tout de ce personnage déchiré.

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