Vivre avec nos morts [Delphine Horvilleur]

L'auteur
: Née en novembre 1974 à Nancy, Delphine Horvilleur est rabbin, écrivaine et philosophe.

L'histoire : Être rabbin, c'est vivre avec la mort : celle des autres, celle des siens.
Mais c'est surtout transmuer cette mort en leçon de vie pour ceux qui restent : "Je me tiens aux côtés de femmes et d'hommes qui, aux moments charnières de leurs vies, ont besoin de récits."
La tapisserie de ce livre de consolation tresse étroitement trois fils : le conte, l'exégèse et la confession.
La narration d'une vie interrompue, la manière de donner sens à cette mort à travers les textes de la tradition, et l'évocation d'une blessure intime ou la remémoration d'un épisode autobiographique dont elle a réveillé le souvenir enseveli.
Les textes sacrés ouvrent un passage entre les vivants et les morts : "Le rôle d'un conteur est de se tenir à la porte pour s'assurer qu'elle reste ouverte." Et permettre ainsi à chacun de faire la paix avec ses fantômes.

Mon avis : J’ai toujours apprécié le discours de Delphine Horvilleur les quelques fois où je suis tombée sur certaines de ses interventions à la télévision. Le contexte social actuel et mon histoire personnelle m’ont poussée à être intriguée par son nouvel essai Vivre avec nos morts. Il s’agit effectivement d’un très beau livre sur notre rapport à la mort, et par là même à la vie. On retrouve, dans le récit d’une dizaine de deuils, souvent graves et d’autres fois étonnamment plus joyeux, la bienveillance de la rabbin, une bienveillance mâtinée de doute et d’espoir, de questionnement, mais jamais de certitudes imposées.

Delphine Horvilleur mêle l’humour et les références religieuses, le personnel et la grande Histoire. Les deuils qu’elle nous conte sont au final apaisants car ils nous réconcilient avec notre humanité : nous sommes faillibles et seulement de passage sur cette terre. Azraël, ange de la mort, nous visitera tous à un moment ou à un autre. Mais notre histoire personnelle s’inscrit dans une filiation d’autres histoires personnelles. Cette filiation est parfois traumatisée, et le poids peut être lourd à porter. Le deuil est alors l’occasion de faire un bilan. Un moment où on célèbre certes le défunt, mais également les vivants qui perpétueront sa mémoire en le gardant dans leurs souvenirs. Chacun à sa façon, selon ses traditions ou ses croyances, selon ses espérances aussi.

Delphine Horvilleur nous propose ici un bel essai, sensible et terriblement touchant. Un texte très fort à mettre entre toutes les mains.


"La laïcité française n'oppose pas la foi à l'incroyance. Elle ne sépare pas ceux qui croient que Dieu veille, et ceux qui croient aussi ferme qu'il est mort ou inventé. Elle n'a rien à voir avec cela. Elle n'est fondée ni sur la conviction que le ciel est vide ni sur celle qu'il est habité, mais sur la défense d'une terre jamais pleine, la conscience qu'il y reste toujours une place pour une croyance qui n'est pas la nôtre. La laïcité dit que l'espace de nos vies n'est jamais saturé de convictions, et elle garantit toujours une place laissée vide de certitudes. Elle empêche une foi ou une appartenance de saturer tout l'espace. En cela, à sa manière, la laïcité est une transcendance. Elle affirme qu'il existe toujours en elle un territoire plus grand que ma croyance, qui peut accueillir celle d'un autre venu y respirer." (p¨28)

"Les juifs affirment qu'ils ne savent pas ce qu'il y a après notre mort. Mais ils pourraient le formuler autrement : après notre mort, il y a ce que nous ne savons pas. Il y a ce qui ne nous a pas encore été révélé, ce que d'autres en feront, en diront et raconteront mieux que nous, parce que nous avons été" (p°180)

Vivre avec nos morts, de Delphine Horvilleur
Éditions Grasset
Mai 2021

Commentaires

Alex Mot-à-Mots a dit…
Un livre dont je relis des passages, parfois.
La chèvre grise a dit…
@Alex Mot-à-mots : je compte bien le garder et faire pareil, il touche vraiment à l'intime.

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