Jours de sable [Aimée de Jongh]

L'auteur : Née en octobre 1988, Aimée de Jongh est une auteur néerlandaise de bande dessinée. On l'a déjà croisée sur ce blog pour sa collaboration avec Zidrou sur L'obsolescence programmée de nos sentiments.

L'histoire : États-Unis, 1937. John Clark, un photoreporter de 22 ans, est engagé par la Farm Security Administration, un organisme gouvernemental chargé d'aider les fermiers victimes de la Grande Dépression. Sa mission : témoigner, grâce à la puissance d'évocation de la photographie, de la situation dramatique des agriculteurs du Dust Bowl.

Située à cheval sur l'Oklahoma, le Kansas et le Texas, cette région est frappée par la sécheresse et par des tempêtes de sable spectaculaires qui plongent les habitants dans la misère, poussant bon nombre d'entre eux à migrer vers la Californie. Mais au fil du temps, John comprend que, pour accomplir sa tâche, il devra surmonter un obstacle bien plus grand qu'un climat hostile...

Mon avis : Si dans L'obsolescence programmée de nos sentiments je n'avais pas été convaincue par le dessin d'Aimée de Jongh, il est bien plus efficace ici dans un récit témoignage sur les Dirty Thirties, ces dix années entre 1930 et 1940 ou le Dust Bowl vécut à la fois la Grande Dépression et une sécheresse combinée à des tempêtes de poussière qui ravagèrent la région et poussèrent bon nombre de ses habitants à abandonner leurs terres pour chercher une situation plus facile en Californie. Ce qu'ils ne trouvèrent pas tous, forcément. Le dessin, très réaliste, rend parfaitement les sentiments complexes et les expressions.

Pour ce roman graphique, l'autrice met donc l'accent sur les conditions de vie des habitants du Dust Bowl, prenant prétexte des campagnes photographiques commandées par la FSA entre 1937 et 1942 pour rendre compte des difficultés de ces Américains auprès de l'Amérique entière et mettre en place un programme d'aide. Des destins forts, souvent tragiques, mais jamais présentés de façon mélodramatique. Et qui, vu les causes évoquées (sécheresse et sur-exploitation du sol), font terriblement écho à notre situation actuelle.

Ce qui est intéressant également, au-delà de ce témoignage d'une époque au demeurant peu connu par nous francophones, c'est que Aimée de Jongh double son récit d'un questionnement sur ce que doit être le photoreportage et sur la vérité. Peut-on modifier une situation visuelle et faire une mise en scène pour mieux rendre compte d'une réalité ? Ou est-ce déjà une manipulation à proscrire par les professionnels ? Et dans ce cas, comment retranscrire ce qui est en dehors du cadre ? Qu'est-ce qu'une image authentique ?

Un très bel album, que je conseille fortement !

Jours de sable, d'Aimée de Jongh
Éditions Dargaud
Janvier 2022