1803, la nuit de la sage-femme [Anne Villemin-Sicherman]

L'autrice : Née en février 1951 à Pont-à-Mousson, Anne Villemin-Sicherman est une ancienne gynécologue devenue autrice française de romans policiers historiques.

L'histoire : Aux premières heures du XIXe siècle, en plein cœur de Metz, les habitants s'agitent : un mort serait revenu à la vie ! Mais lorsque le commissaire Montfort arrive sur place, l'homme souffle son dernier mot : " assassiné". Victoire, sage-femme et épouse du commissaire, a l'art de faire parler les gens et se rend au chevet de la veuve enceinte. S'agit-il d'une résurrection, comme le soutient le curé de Saint-Eucaire ? Ou d'un malheureux enterré vif pour masquer les détails d'une sordide histoire ? L'arrivée inattendue de Mme de Staël, qui a un avis sur tout, met les autorités et toute la ville en émoi.

Les Montfort mènent l'enquête, des gynécées aux arrière-cours, dans un monde social et politique en plein ébullition.

Mon avis : Anne Villemin-Sicherman choisit dans ce policier historique de mêler les personnages réels et les fictifs, donnant ainsi une solide assise au récit. D'autant qu'il se déroule dans une période que j'ai assez peu vue dans ce genre de littérature, à savoir le Consulat, entre le coup d'Etat de 1899 et la proclamation de l'Empire en mai 1804. Bonaparte est alors Premier Consul et tente de rallier l'ensemble des Français sous sa bannière. Il fait revenir les nobles et les prêtres exilés, il réorganise l'Eglise grâce au Concordat de 1801, il cherche à pacifier la société. Pour autant, les Royalistes oeuvrent dans l'ombre pour le retour de la monarchie. 

C'est dans ce contexte que l'autrice pose son récit, celui d'une sage-femme qui accompagne son commissaire de mari pour mener l'enquête sur la mort d'un homme, qui a été enterré vivant. Le métier de Victoire lui permet d'entrer en contact avec les membres de la famille de la victime car la jeune veuve s'avère sur le point d'accoucher. Elle va en profiter pour poser des questions, beaucoup de questions, et user de son flair.

Globalement, je trouve que ce roman est trop court pour pouvoir aborder efficacement toutes les thématiques que l'autrice à en tête. Ca digresse de tout côté et ça en oublie de tenir le fil de l'intrigue. Le contexte du Consulat est pourtant très intéressant, mais j'aurais justement aimé que ce soit plus long et plus utile au récit. Ce n'est au final que très léger et anecdotique dans l'enquête principale, même si celle-ci est vite laissée de côté au profit des élucubrations un poil répétitive du prêtre et des discussions pro ou anti-royalistes. L'autrice se concentre sur les états d'âme de Germaine de Staël, rendue agaçante au possible.

De la même façon, j'ai aimé les considérations sur la santé, les signes premiers pour détecter un décès et l'art gynécologique à cette époque. Dans cette vision très féministe, je regrette cependant que la place de Victoire dans le récit semble très improbable, avec des scènes assez abracadabrantesques comme celle de son enlèvement et de sa fuite. Il aurait fallu, tout en mettant en scène un personnage féminin, nous proposer une construction plus crédible, où elle n'aurait pas eu à mener l'enquête elle-même. Certes elle nous est décrite immédiatement comme émancipée, libérée, et d'ailleurs divorcée, mais tout de même...

Bref, l'ensemble m'a donné une impression de survol qui me laisse sur ma faim, alors qu'il y avait de partout matière à faire bien plus. D'autant que Anne Villemin-Sicherman a fait indubitablement un gros travail de recherches historiques pour le contexte. En plus, le choix de la narration, alternant les chapitres suivants différents protagonistes et le journal de Victoire écrit à la première personne n'aide guère à l'empathie et à l'attachement. Je n'ai aucun souci avec les récits à la troisième personne, ni avec ceux à la première, mais c'est le mélange des deux ne m'a pas plu. En plus de changer le point de vue, ça change aussi la focale, c'est perturbant. 

1803, la nuit de la sage-femme, d'Anne Villemin-Sicherman

Éditions 10/18
Avril 2024