Les Monades Urbaines [Robert Silverberg]
L'auteur : Robert Silverberg est un écrivain américain, né à New York en janvier 1935. Auteur très prolifique, Les monades urbaines, paru en 1974, est son 15e roman.
L'histoire : En l'an 2381, la Terre porte soixante-dix milliards d'êtres humains dont la devise est : Croissez et multipliez. Ils habitent des tous de mille étages, les monades urbaines, et jouissent d'une totale liberté sexuelle. Ils ne quittent jamais leurs villes verticales et explorent rarement un autre étage que le leur. Ils vivent l'utopie, la promiscuité, le bonheur.
Qui en doute est malade. Qui est malade est soigné. Qui est incurable est exécuté.
Micael, l'électronicien, rêve pourtant de la Terre du passé, de l'océan, de la nature qu'il a découverts à travers un film vieux d'un siècle. Il fuit.
Et Jason, l'historien, armé de son savoir contre tous les tabous anciens, redécouvre de son côté un sentiment proscrit, la jalousie.
Mon avis : Je me décide à lire un des grands classiques de la SF d'anticipation. Les Monades Urbaines n'est pas un récit monolithique mais une suite de nouvelles où les personnages et les idées se recoupent, se poursuivent. Le livre est court, les nouvelles également mais comme toutes ces récits courts des grands écrivains de SF, elles n'en sont que plus efficaces, la concision apportant une intensité implacable. Silverberg évoque donc le thème très moderne du futur de l'humanité alors que la population ne cesse de croître dans l'espace fini qu'est la Terre.
Tout d'abord un peu de philosophie wikipediaque : "Le mot « monade », qui relève de la métaphysique, signifie, étymologiquement, « unité » (μονάς monas). C'est l'Unité parfaite qui est le principe absolu. C'est l'unité suprême (l'Un, Dieu, le Principe des nombres), mais ce peut être aussi, à l'autre bout, l'unité minimale, l'élément spirituel minimal."
Ainsi, dans ce monde surpeuplé, l'unité est la seule chose qui compte. Les sociétés se sont structurées autour de cette idée qu'il faut être bienheureux pour maintenir la paix sociale. Toute saute d'humeur, toute désobéissance ou comportement individualiste perturbe l'unité et devient nocif (en 1970, le communisme soviétique ou le maccarthisme avait dû laisser quelques traces). C'est pourquoi les caractères trop marqués, les aspérités, les revendications deviennent suspects et doivent être punis voire éliminés.
2 règles régissent cette société : premièrement, le Créateur a créé l'homme pour procréer et il n'y aucune limite à l'évolution du nombre d'humains. L'intelligence humaine trouvera toujours une solution. Deuxièmement, à l'instar des comportements des bonobos, pour maintenir le calme social, le sexe est une composante centrale de la société et la jalousie n'existe plus, les relations possessives non plus. En bref, on peut s'accoupler avec qui on veut, homme ou femme d'ailleurs, et il n'est pas de bon aloi de se refuser à quelqu'un. (D'ailleurs, il y a beaucoup de sexe dans ce livre donc évitez de le donner à de jeunes adolescents :D). Comme vous l'imaginez, cela cause d'autres problèmes. La liberté totale peut devenir un carcan et l'être humain n'est pas une fourmi mais reste un être égoïste, individualiste, avide de pouvoir et violent. D'ailleurs une des autres composantes importantes est la place de l'individu dans ces fourmilières : l'auteur nous décrit beaucoup sa société en observant des personnes précises dans leurs sphères privées.
Ce qui est assez remarquable c'est que Silverberg se comporte comme un ethnologue qui observe de manière aussi objective que possible, sans donner son jugement. Une des nouvelles assez amusante raconte d'ailleurs la visite d'un étranger venu de Vénus pour voir comment les humains vivent sur Terre, dans les monades, alors que sur Vénus, ils vivent dans des fermes avec un espace vital gigantesque. Le lecteur a donc une position d'observateur et c'est lui qui juge. Pour ma part, il y a des moments où, moi qui n'aime pas les règles absolues et qui adore l'espace vital, en lisant ça, écrabouillé dans le RER aux heures de pointe, je trouvais cet univers assez suffoquant.
Vous vous imaginez bien que tout ça est également un prétexte pour parler de nous et ce qui était vrai en 1970 est encore, pour beaucoup, vrai aujourd'hui. Le nombre de concepts sociétaux sous-jacents est impressionnant et ce livre peut faire l'objet d'études en tout genre à lui seul. Silverberg aborde aussi des sujets comme les strates du pouvoir, la religion comme instrument de pouvoir, l'eugénisme génétique ou les déplacements forcés de population.
Autre chose : ce livre n'est pas du tout difficile et long à lire et n'a rien d'un livre de fou de SF technoïde. Par contre il vous fera vous poser des questions, j'en suis sûr!
En bref, un monument de la SF qui le mérite bien et qui n'a pas trop vieilli...
L'histoire : En l'an 2381, la Terre porte soixante-dix milliards d'êtres humains dont la devise est : Croissez et multipliez. Ils habitent des tous de mille étages, les monades urbaines, et jouissent d'une totale liberté sexuelle. Ils ne quittent jamais leurs villes verticales et explorent rarement un autre étage que le leur. Ils vivent l'utopie, la promiscuité, le bonheur.
Qui en doute est malade. Qui est malade est soigné. Qui est incurable est exécuté.
Micael, l'électronicien, rêve pourtant de la Terre du passé, de l'océan, de la nature qu'il a découverts à travers un film vieux d'un siècle. Il fuit.
Et Jason, l'historien, armé de son savoir contre tous les tabous anciens, redécouvre de son côté un sentiment proscrit, la jalousie.
Mon avis : Je me décide à lire un des grands classiques de la SF d'anticipation. Les Monades Urbaines n'est pas un récit monolithique mais une suite de nouvelles où les personnages et les idées se recoupent, se poursuivent. Le livre est court, les nouvelles également mais comme toutes ces récits courts des grands écrivains de SF, elles n'en sont que plus efficaces, la concision apportant une intensité implacable. Silverberg évoque donc le thème très moderne du futur de l'humanité alors que la population ne cesse de croître dans l'espace fini qu'est la Terre.
Tout d'abord un peu de philosophie wikipediaque : "Le mot « monade », qui relève de la métaphysique, signifie, étymologiquement, « unité » (μονάς monas). C'est l'Unité parfaite qui est le principe absolu. C'est l'unité suprême (l'Un, Dieu, le Principe des nombres), mais ce peut être aussi, à l'autre bout, l'unité minimale, l'élément spirituel minimal."
Ainsi, dans ce monde surpeuplé, l'unité est la seule chose qui compte. Les sociétés se sont structurées autour de cette idée qu'il faut être bienheureux pour maintenir la paix sociale. Toute saute d'humeur, toute désobéissance ou comportement individualiste perturbe l'unité et devient nocif (en 1970, le communisme soviétique ou le maccarthisme avait dû laisser quelques traces). C'est pourquoi les caractères trop marqués, les aspérités, les revendications deviennent suspects et doivent être punis voire éliminés.
2 règles régissent cette société : premièrement, le Créateur a créé l'homme pour procréer et il n'y aucune limite à l'évolution du nombre d'humains. L'intelligence humaine trouvera toujours une solution. Deuxièmement, à l'instar des comportements des bonobos, pour maintenir le calme social, le sexe est une composante centrale de la société et la jalousie n'existe plus, les relations possessives non plus. En bref, on peut s'accoupler avec qui on veut, homme ou femme d'ailleurs, et il n'est pas de bon aloi de se refuser à quelqu'un. (D'ailleurs, il y a beaucoup de sexe dans ce livre donc évitez de le donner à de jeunes adolescents :D). Comme vous l'imaginez, cela cause d'autres problèmes. La liberté totale peut devenir un carcan et l'être humain n'est pas une fourmi mais reste un être égoïste, individualiste, avide de pouvoir et violent. D'ailleurs une des autres composantes importantes est la place de l'individu dans ces fourmilières : l'auteur nous décrit beaucoup sa société en observant des personnes précises dans leurs sphères privées.
Ce qui est assez remarquable c'est que Silverberg se comporte comme un ethnologue qui observe de manière aussi objective que possible, sans donner son jugement. Une des nouvelles assez amusante raconte d'ailleurs la visite d'un étranger venu de Vénus pour voir comment les humains vivent sur Terre, dans les monades, alors que sur Vénus, ils vivent dans des fermes avec un espace vital gigantesque. Le lecteur a donc une position d'observateur et c'est lui qui juge. Pour ma part, il y a des moments où, moi qui n'aime pas les règles absolues et qui adore l'espace vital, en lisant ça, écrabouillé dans le RER aux heures de pointe, je trouvais cet univers assez suffoquant.
Vous vous imaginez bien que tout ça est également un prétexte pour parler de nous et ce qui était vrai en 1970 est encore, pour beaucoup, vrai aujourd'hui. Le nombre de concepts sociétaux sous-jacents est impressionnant et ce livre peut faire l'objet d'études en tout genre à lui seul. Silverberg aborde aussi des sujets comme les strates du pouvoir, la religion comme instrument de pouvoir, l'eugénisme génétique ou les déplacements forcés de population.
Autre chose : ce livre n'est pas du tout difficile et long à lire et n'a rien d'un livre de fou de SF technoïde. Par contre il vous fera vous poser des questions, j'en suis sûr!
En bref, un monument de la SF qui le mérite bien et qui n'a pas trop vieilli...
Commentaires
Je n'ai lu de Silverberg que "L'homme bicentenaire" (et encore, étant basé sur la nouvelle d'Asimov, difficile de juger de son style).
J'aime beaucoup les roman de SF type dystopie, et à lire l'article je sens des résonances du "Monde inverti" ou "Le meilleurs des mondes" qui me tentent bien :)