Le cercle de Farthing [Jo Walton]

L'auteur : Née en décembre 1964, Jo Walton est une romancière galloise de science-fiction.

L'histoire : Huit ans après que "la paix dans l'honneur" a été signée entre l'Angleterre et l'Allemagne, les membres du groupe de Farthing, à l'origine de l'éviction de Churchill et du traité qui a suivi, fin 1941, se réunissent au domaine Eversley pour le week-end. Bien qu'elle se soit mariée avec un Juif, ce qui lui vaut d'habitude d'être tenue à l'écart, Lucy Kahn, née Eversley, fait partie des invités. Les festivités sont vite interrompues par le meurtre de Sir James Thirkie, le principal artisan de la paix avec Adolf Hitler. Sur son cadavre a été laissée en évidence l'étoile jaune de David Kahn. Un meurtre a eu lieu à Farthing et un coupable tout désigné se trouvait sur les lieux du crime. Convaincue de l'innocence de son mari, Lucy trouvera dans le policier chargé de l'enquête, Peter Antony Carmichael, un allié. Mais pourront-ils ensemble infléchir la trajectoire d'un Empire britannique près de verser dans la folie et la haine ?

Mon avis : Un mélange d'uchronie et d'histoire policière, voilà qui promettait un bon moment de lecture. Mais celle-ci aura été finalement plus décevante qu'autre chose. Pourtant, tous les éléments étaient là pour que la magie opère.

Policier disais-je donc. Car il y a meurtre. Sir James Thirkie, membre du fameux cercle, a été tué. Qui ? Et pourquoi ? Scotland Yard va donc boucler le manoir de Farthing et  interroger tous les membres du cercle. Le récit alterne entre des chapitres à la première personne de Lucy, qui, voyant son mari fortement soupçonné du simple fait qu'il soit juif, cherche à se remémorer les événements, et des chapitres à la troisième personne, où le lecteur suit l'enquête de l'inspecteur Carmichael. Ce changement de personne m'a gênée car j'avais l'impression que l'auteur tentait par cet artifice de m'amener à ressentir davantage d'empathie pour Lucy. Or celle-ci, dans la première moitié du roman, est assez frivole et naïve. Et j'ai eu l'impression qu'elle cherchait à me faire prendre des vessies pour des lanternes en altérant volontairement les faits. Alors que beaucoup ont pu comparer ce roman à un classique Agatha Christie, je ne suis pas d'accord : Agatha Christie savait distiller subtilement les éléments essentiels à l'enquête, alors qu'ici, il n'y a qu'un fatras difficilement déchiffrable.

Le roman peine à trouver son rythme et il y a peu d'éléments relatifs à la vie dans ces années 50. C'est bien dommage. Jo Walton use de tiques de narration qui peuvent agacer le lecteur (je pense à cette histoire d'intuition remise sur le tapis systématiquement par les inspecteurs du Yard). J'ai également tiqué sur la sexualité des personnages ainsi que leur orientation politique. À cette époque, l'homosexualité était mal vue, soit. Mais ici, juifs, bolchéviques et homosexuels sont mis dans le même panier. Le cercle de Farthing, parce que mouvement politique, voit des bolchéviques partout. Un peu ennuyeux mais compréhensible, surtout dans ce contexte où Hitler concentre ses forces sur le front de l'est avec la Russie. Mais pourquoi une grande partie des personnages de Jo Walton ont-ils une sexualité différente ? À croire que tous les membres du cercle sont homosexuels ou bisexuels. Cela n'apporte rien strictement à l'histoire et j'en suis venue à me demander si l'auteur ne faisait pas une fixette personnelle là-dessus.

Uchronie disais-je aussi. Oui, car l'histoire se situe en 1949, alors que le Royaume-Uni a signé huit ans plus tôt une "paix dans l'honneur" avec Hitler, maître de tout le continent. Cette paix est l'oeuvre d'un mouvement politique, appelé cercle de Farthing, du nom du manoir de lord et lady Eversley. Qu'est-ce que cette paix a pu changé dans notre Histoire ? Les juifs sont persécutés sur le continent et tentent, difficilement, de rejoindre l'île. Leur vie n'y est pourtant pas idéale et ils sont stigmatisés. Pour avoir épousé un juif, Lucy Kahn, anciennement miss Eversley, est mise au ban de la société. Au-delà de ça, le lecteur doit attendre la toute fin de l'ouvrage pour comprendre le changement majeur à l'oeuvre. C'est le seul élément original, mais trop peu développé puisqu'arrivant à la toute fin. J'aurais préféré que le monde se révèle de plus en plus différent au fil des chapitres avant d'atteindre le climax final. Cela aurait peut être évité de lui donner un aspect un peu surjoué, ajouté là juste comme une pirouette. Là, j'en suis ressortie en me disant : "tout ça pour ça?".


Merci aux éditions Denoël pour ce roman.

Le cercle de Farthing, de Jo Walton
Traduit par Luc Carissimo
Denoël
Janvier 2015

Commentaires

Lelf a dit…
Arf, vu que "tout ça pour ça" a été ma réaction à Morwenna (alors qu'il avait aussi sur le papier tout pour me plaire), je suis pas sure de tenter l'aventure.
Dans Morwenna aussi j'ai trouvé que le contexte d'époque (années 80) était très peu développé, on a l'impression que Morwenna vit dans une bulle (bon après vu que c'est son journal, pour le coup ça se tient, mais ça fait un livre assez plat en fait).
Mariejuliet a dit…
Je l'ai préféré à Morwenna, j'ai bien aimé le côté enquête en huis clos avec une tasse de thé.
Alex Mot-à-Mots a dit…
C'est vrai que le sujet était plutôt tentant, pourtant.
maggie a dit…
J'ai vu qu'une autre blogueuse n'avait pas trop aimé... Cette uchronie - genre - que j'aime bien ne m'attire pas trop...
La chèvre grise a dit…
@ Lelf : Je n'ai pas lu Morwenna, et du coup je n'en ai pas l'intention. Je sais que je suis assez dure sur mon avis, par rapport à beaucoup d'autres lecteurs. En partie parce que je l'ai lu à un mauvais moment, mais en même temps, il ne me donnait pas super envie de m'y replonger malgré la fatigue, donc...

@ MJ : bah justement, je ne l'ai pas ressenti ce côté huis-clos à la A. Christie. Je préfère un bon vieux Poirot du coup.

@ Alex : yep, tentant mais décevant.

@ maggie : il y en a pas mal pourtant qui ont assez adhéré.

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