Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB [Tardi]

L'auteur : Né en août 1946, Jacques Tardi est un auteur de bande dessinée, connu entre autres pour ses albums des Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec.

L'histoire : Nous nous étions battus, mon mécano et moi. Nous avions reçu l'ordre de détruire l'ennemi. Nous avions obéi... Oui, nous nous étions battus, et ce 22 mai 1940, un mercredi, douze jours après l'offensive, au petit matin, à l'orée d'un bois, nous venions d'être faits aux pattes. C'était à Mons-en-Chaussée, près de Péronne, dans la Somme. Mon père avait été blessé dans ce coin, vingt-cinq ans plus tôt. Moi, j'avais vingt-cinq ans et je venais de recevoir comme un coup de massue derrière la tête.

Mon avis : Lorsque j'ai feuilleté ce premier tome, j'ai eu un peu peur. Il est très verbeux. Il faut dire que Tardi transpose en bande dessinée les carnets de son père dans lesquels ce dernier raconte dans les années 80 et à sa demande, sa jeunesse, son départ à la guerre et le temps passé dans un Stalag, ou camp de prisonnier. Récit très personnel donc, dont le côté intime est renforcé par la présence du jeune Tardi, posant directement des questions à son père, pour demander des précisions sur ce que celui-ci lui raconte. Précisions qui n'arrivent pas toujours, le dialogue étant totalement fictif et amputé du répondant nécessaire.


Planche de Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au stalag IIB

Tardi père et fil déambulent dans les cases et dans les épisodes marquants  de l'Histoire de la Seconde guerre mondiale, croisant des chars (et non des tanks), la population en exode, les prisonniers de guerre, les travailleurs à la ferme... En s'intéressant aux prisonniers de guerre, et à leur vie dans un camp de travail, c'est une partie de l'Histoire rarement travaillée que Tardi met en lumière ici. Si on est loin de l'innommable des camps d'extermination nazis, les conditions sont tout de même atroces et plus d'un n'en réchappera pas. Une scène de douche à l'arrivée des prisonniers fait frémir le lecteur qui lui a le recul pour imaginer le pire, qui lui se produit un peu plus loin dans le Reich.

Tardi fait preuve de touches d'humour voire de cynisme rétrospectif qui sont parfois déroutantes mais qui apportent un peu de légèreté dans le récit. Légèreté d'autant plus bien venue que la colorisation, tout en nuance de gris, renforce le côté sombre du propos. Le dessin assez rondouillard de l'auteur perturbe un peu aussi, alors qu'on s'imagine des visages plus émaciés. Par contre, il fait merveille pour décrire la vie dans le camp, les conditions climatiques et la quête perpétuelle du moindre élément qui pourra agrémenter le quotidien. Au-delà des écrits laissés par le père, il y a clairement un énorme travail de documentation dans cette oeuvre.

Il faut prendre son temps pour se plonger pleinement dans cette lecture, dense et foisonnante. Une fois accepté ce postulat, j'ai été emportée par se témoignage tout simplement passionnant. Depuis ce premier tome, deux autres sont sortis, et j'ai bien l'intention de les emprunter aussi à la bibliothèque ! Car en plus de l'hommage rendu à un homme, en posant des images sur les mots de son père, Tardi donne une voix authentique à tous ces hommes privés d'une partie de leur vie, marqués à jamais dans leur corps et dans leur âme.

Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB, première partie, de Tardi
Éditions Casterman
Novembre 2019

Commentaires

  1. Un album qu'il faut que je lise.....

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  2. @ Alex Mot-à-mots : je suis en pleine lecture du tome 2, tout aussi passionnant. Il me restera le 3e, sorti il y a peu je crois.

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