Le rapport de Brodeck [Manu Larcenet]

Du célèbre Larcenet, je n'avais lu pour l'instant que ses Retour à la terre, en collaboration avec Ferri. Il était grand temps de le découvrir dans un tout autre genre avec ce diptyque adapté du roman de Philippe Claudel (que je n'ai pas lu).

L'histoire : Voici le nouveau chef-d'oeuvre de Manu Larcenet !
Une sublime adaptation du best-seller de Philippe Claudel. Manu Larcenet s'attaque pour la première fois à une adaptation, celle du chef-d'oeuvre de Philippe Claudel, Le Rapport de Brodeck. Mais lorsque l'auteur de Blast et du Combat ordinaire s'empare du texte, c'est pour le faire sien et lui donner une nouvelle vie, éclatante, sombre et tragique. Des pages d'une beauté stupéfiante, magnifiant la nature sauvage et la confrontant à la petitesse des hommes ; une plongée dans les abîmes servie par un noir et blanc sublime et violent. Un très grand livre.

Mon avis : Adaptation au format à l’italienne en deux tomes du roman de Philippe Claudel que je n’ai donc pas lu, la surprise était total pour moi. Car on est loin du style joyeux et gai de la série Retour à la terre. Ici, place à un noir et blanc très appuyé, plein d’une intensité qui colle parfaitement au propos. On louera donc le talent de Larcenet qui sait adapter son style au récit.

Détails d'une planche du Rapport de Brodeck de Manu Larcenet
Dans un village reculé, Brodeck est chargé d’écrire un rapport pour expliquer ce qui a mené au meurtre de l’Anderer. Pour cela, il va devoir mettre de l’ordre dans ses souvenirs, car tout se mélange : moments insouciants de la jeunesse, départ pour un camp de concentration, retour au pays complètement changé, adaptation nécessaire. Il découvre alors que les habitants de son petit village ont développé une haine de l’autre qui les conduit aux pires atrocités. Ces atrocités qu’ils ont pourtant reprochées aux Allemands. Lorsque l’Anderer, l’Autre en Allemand, arrive, on ne le comprend pas : d’où il vient, pourquoi, que fait-il ? Même ses cadeaux sont vécus comme des agressions. L’artiste incompris par excellence, sauf qu'en ces temps troublés, l'homme n'est plus capable de raison.

Mais Brodeck lui n’a pas développé une méfiance à tous égards, une haine de l’autre par principe. Il ne demande qu’à vivre tranquille, à retrouver une forme de sérénité. Stress post-traumatique, déshumanisation, xénophobie, rien de bien joyeux ici. Par opposition, les souvenirs d’une vie plus heureuse n’en prennent que plus de force. Larcenet n’hésite pas à faire des planches entières sans une seule parole, que ce soit des paysages enneigés ou des hommes qui se regardent avec méfiance. Comme pour exacerber la beauté de la nature qui s’oppose à la noirceur de l’âme humaine.

En chef d'oeuvre à découvrir absolument !

Le rapport de Brodeck, 2 tomes, de Manu Larcenet
Éditions Dargaud
Avril 2015

Commentaires

Comme tu le dis, un chef d'oeuvre.
XL a dit…
cadeau de mes parents, ils attendent mon bon vouloir... ou le moral capable de supporter leurs âmes grises
Alex Mot-à-Mots a dit…
Je me rappelle de l'atmosphère si particulière du roman. Est-elle bien rendue dans la BD ?
La chèvre grise a dit…
@ Nicolas : oui, tout à fait.

@ XL : il faut être dans de bonnes dispositions, c'est mieux.

@ Alex Mot-à-mots : je ne pourrais pas te dire si elle est bien "rendue", n'ayant pas lu le roman, mais il y a un vrai travail sur l'atmosphère dans cet album en tout cas.

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