Le grand Cœur [Jean-Christophe Rufin]

L'auteur : J'avais découvert la plume de Jean-Christophe Rufin, ancien médecin et diplomate français, mais surtout aventurier et écrivain avec son très court roman Le collier rouge. Il était évident que continuerait la découverte de cet auteur et c'est chose faite avec Le grand Cœur

L'histoire : Dans la chaleur d'une île grecque, un homme démêle l'écheveau de son destin.

Fils d'un modeste pelletier, il est devenu l'homme le plus riche de France. Il a permis à Charles VII de terminer la guerre de Cent Ans. Il a changé le regard sur l'Orient. Comme son palais à Bourges, château médiéval d'un côté et palais Renaissance de l'autre, c'est un être à deux faces. Aussi familier des rois et du pape que des plus humbles maisons, il a voyagé à travers tout le monde connu. Il a vécu la chute, le dénuement avant de retrouver la liberté et la fortune.

Parmi tous les attachements de sa vie, le plus bouleversant fut celui qui le lia à Agnès Sorel, la Dame de Beauté, première favorite royale de l'Histoire de France.

Son nom est Jacques Cœur.

Mon avis : Voici un roman qu’on m’a prêté et qui sera resté longtemps sur les étagères avant que je ne me décide à l’en sortir, un peu contrainte par la nécessité de le rendre. Et pourtant, j’ai adoré cette lecture, qui prend la forme de pseudo-mémoires rédigées par Jacques Cœur, grand Argentier du roi Charles VII mais surtout un grand personnage précurseur de la Renaissance française. Lorsque nous débutons ce roman, Jacques Cœur est exilé sur l’île de Chios et semble poursuivi par des assassins. Il va donc raconter ce qui l’a conduit sur cette île grecque, en commençant par son enfance à Bourges.

Chaque étape de sa vie va le mener à prendre une envergure qu’il n’aurait pu imaginer, car au-delà de la fonction d’Argentier du Roi, c’est un véritable visionnaire qui participe à la construction d’un monde nouveau que nous décrit ici Jean-Christophe Rufin. Un homme charnière entre la période du Moyen-Âge et celle de la Renaissance. La guerre de Cent ans touche à sa fin et le royaume de France est un véritable champ de bataille, la papauté se réunie, la chevalerie n’existe plus pas plus que les serfs et tous ces symboles du Moyen Âge. Au-delà des frontières du royaume, l’Islam s’installe définitivement en opposition avec la Chrétienté. Il faut un peu organiser cette nouvelle société pour que richesses, argent et œuvres d’art puissent circuler plus librement de continent en continent et de pays en pays. Avec Cœur, la France va enfin tourner son regard vers l’Italie et plus loin, l’Orient.

C’est aussi toute une époque fabuleuse qui se dessine, peuplée de personnages historiques : le roi Charles VII bien sûr, la première favorite royale Agnès Sorel, Jeanne d’Arc dont le rôle est bien plus anecdotique que l’emblématique construction moderne qu’on en a faite, Jacques de Lalaing dernier chevalier… J’ai découvert aussi la Pragmatique Sanction et redécouvert la ville de Bourges. Bref, tout un contexte historique que l’auteur excelle à décrire, se servant des zones d’ombre de la biographie du grand Argentier pour romancer le portrait d’un homme naturellement doué pour le commerce et qui doit se confronter au pouvoir pour s’arracher à sa condition et mener à bien ses ambitions.

Ce roman se dévore comme un véritable roman d’aventures. Les relations qu’entretiennent Jacques Cœur et Charles VII sont fascinantes et la lecture coule toute seule, ouvrant aux yeux du lecteur tout un monde autrement inaccessible qui donne envie de partir sur la Méditerranée à la (re)découverte d'autres témoignages de cette époque.

"L'époque de la chevalerie était révolue. Non seulement, cette caste ne protégeait plus personne, comme elle le faisait à l'époque de mes ancêtres ; au contraire, c'était d'elle que venait désormais le danger. La folie du roi était-elle la cause ou la conséquence de ces dérèglements ? Nul ne pouvait le savoir. En tout cas plus rien ne demeurait à sa place. L'honneur était devenu un motif non de respecter les autres mais de les écraser. La supériorité de naissance n'impliquait plus de devoirs pour celui qui en avait été gratifié ; elle semblait lui donner le droit de mépriser quiconque lui était inférieur, au point de le traiter comme une bête, voire de disposer de sa vie."

Le grand Cœur, de Jean-Christophe Rufin
Éditions Folio
Novembre 2013

Commentaires

Mypianocanta a dit…
Je suis tout à fait d'accord avec toi sur les détails historiques et les personnages rencontrés, même si finalement je n'en garde pas un si grand souvenir que cela. C'est un roman intéressant par l'image qu'il donne de l'époque.
Alex Mot-à-Mots a dit…
Depuis le temps que je veux le lire. Merci de me le remettre en mémoire.
La chèvre grise a dit…
@ MyPi : je ne sais pas si j'en garderai beaucoup de souvenirs non plus, car il est dense et il se passe beaucoup de choses. Mais en tout cas, j'ai beaucoup apprécié ma lecture !

@ Alex Mot-à-mots : de rien :)

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