La tour [Doan Bui]

L'autrice
: Née en octobre 1974, Doan Bui est une journaliste et autrice française. Son travail de journaliste à L'Obs la pousse à s'intéresser aux questions de migrations, d'exils et d'identité. La tour est son premier roman. Il a été finaliste du prix Goncourt du premier roman 2022.

L'histoire : 4 ascenseurs, 37 étages, 296 fenêtres, et combien de vies ?

C'est une tour sur la dalle de béton des Olympiades, au cœur du Chinatown parisien. La famille Truong, des boat people qui ont fui le Vietnam après la chut de Saigon, s'y est installée à la fin des années 1970. Victor, le père, doit son prénom à Hugo et chérit l'imparfait du subjonctif. Alice, sa femme, est fan de Justin Bieber. Leur fille Anne-Maï, quadragénaire célibataire, est obnubilée par les blondes.

Dans cette Babel où bruisse le murmure des mille langues, voilà aussi Ileana, la pianiste roumaine désormais nounou exilée ; Virgile, le sans-papiers sénégalais, lecteur de Proust et virtuose des fausses histoires, qui squatte le parking ; ou encore Clément, le Sarthois obsédé du Grand Remplacement et convaincu d'être la réincarnation du chien de Michel Houellebecq, son idole.

Mon avis : L'autrice nous livre ici une galerie de personnages qui, en plus d'être des habitants de la tour Melbourne en plein cœur du quartier asiatique parisien, sont aussi des êtres fragilisés par la vie. Venus de divers horizons, ils ont en commun avec leur lieu d'habitation d'être inaboutis, laissés sur le rivage de la vie qu'ils contemplent du haut de leur fenêtre. Ils sont de véritables révélateurs des transformations de la société française depuis une quarantaine d'années, tant sociales que politiques. On y voit grandir le rejet de l'autre, de l'étranger, de celui qui est différent ; on y voit la surdité aux malheurs et aux souffrances ; on y voit une surprenante hiérarchisation dans ces populations maltraitées.

C'est comme si, au lieu de livrer une véritable histoire, l'autrice livrait plutôt une multitude de digressions qu'elle finit par tisser ensemble sans qu'il y ait vraiment une communauté qui se dégage. Les personnages se croisent mais ils ne sont jamais ensemble. C'est cette aspect collectif qui m'a manqué ici pour adhérer et suivre leurs destins avec plaisir.

En plus, la plume de Doan Bui ne m'a pas charmée : j'y ai vu l'humour, le ton caustique qui aurait pu me plaire, mais tellement en décalage avec les malheurs racontés ! Un je ne sais quoi dans le style m'a également empêchée d'entrer pleinement en empathie avec les destins des personnages. Et puis les notes de bas de pages, drôles, cassent pourtant le récit et m'ont fatiguée à la longue. Bref, j'ai l'impression que ce qui a charmée beaucoup de monde n'a pas du tout fonctionné sur moi.


La tour, de Doan Bui
Éditions Grasset
Janvier 2022

Commentaires

Ingannmic, a dit…
Me voilà par ici suite à votre visite sur mon blog (mais je crois être déjà passée par là à l'occasion !).
Concernant ce roman, ça a pour moi été le contraire : j'ai complètement adhéré au style, à la dynamique et à l'originalité de l'intrigue !
A bientôt...

Posts les plus consultés de ce blog

La cité Abraxas

Thérapie [Sebastian Fitzek]

Musée du Quai Branly #4 : Amériques