Le choeur des femmes [Aude Mermilliod et Martin Winckler]

Les auteurs : Née en décembre 1986, Aude Mermilliod est une autrice de bande dessinée française. Elle adapte ici le roman de Martin Winckler, pseudonyme de Marc Zaffan, né en février 1955, médecin et militant féministe, romancier et essayiste.

L'histoire : Je m'appelle Jean Atwood. Je suis interne des hôpitaux et major de ma promo. Je me destine à la chirurgie gynécologique. Je vise un poste de chef de clinique dans le meilleur service de France. Mais on m'oblige, au préalable, à passer six mois dans une minuscule unité de "Médecine de La Femme", dirigée par un barbu mal dégrossi qui n'est même pas gynécologue, mais généraliste ! S'il s'imagine que je vais passer six mois à son service, il se trompe lourdement. Qu'est-ce qu'il croit ? Qu'il va m'enseigner mon métier ? J'ai reçu une formation hors pair, je sais tout ce que doit savoir un gynécologue chirurgien pour opérer, réparer et reconstruire le corps féminin. Alors, je ne peux pas - et je ne veux pas - perdre mon temps à écouter des bonnes femmes épancher leur coeur et raconter leur vie. Je ne vois vraiment pas ce qu'elles pourraient m'apprendre.

Mon avis : Marquée personnellement par le roman de Martin Winckler, Aude Mermilliod décide d'en faire l'adaptation en bande dessinée. C'était une porte d'entrée facile vers ce roman dont j'ai beaucoup entendu parler. Et, après ma lecture, j'ai bien l'intention de le lire un jour, tant cette adaptation a été marquante et révoltante. Ayant moi-même été victime de violences médicales, je suis de base révoltée par la posture condescendante que les médecins prennent avec leurs patients. Rares sont ceux qui préviennent avant de faire un geste, un examen. Rares sont ceux qui expliquent. Et quand on en vient à parler gynécologie, on entre en plus dans une domination machiste. La médecine est faite par les hommes pour les hommes. On sait toutes et tous aujourd'hui que les douleurs de l'endométriose sont atroces mais pourtant les femmes ont du et doivent encore se battre tous les jours pour faire entendre leur douleur et être prise au sérieux. Parce que les médecins sont formés pour perpétuer une domination et qu'il est difficile pour eux de sortir de ce modèle, de dénoncer les pratiques abusives et violentes, même lorsque ces médecins sont aussi des femmes.
C'est cela que dénonce le récit de Martin Winckler en mettant en scène plusieurs femmes qui vont jalonner le parcours d'apprentissage d'une jeune médecin interne, Jean Atwood, arrivée pour un stage dans une service de médecine dédié à la femme. Persuadée de tout savoir avant même d'avoir écoutée la patiente en face d'elle, elle va croiser le chemin de Franz Karma et changer de façon de voir les choses. Obligée d'écouter son mentor, elle quitte petit à petit son attitude méprisante et écoute la voix de toutes ces femmes qui lui disent la douleur : avortement, contraception, désir de grossesse, violences sexuelles, cancers gynécologiques, transidentité... toutes les facettes de la vie d'une femme, de sa conception à sa mort sont abordées. Toute une intimité exposée pour questionner la norme, la normalité et l'anormalité et pour inciter à une approche bien plus psychologique de la médecine.

Aude Mermilliod est une autrice engagée sur le sujet de la condition féminine fait ici merveille. Son dessin aux couleurs pastels est doux mais impliquant, sans fioriture inutile, il laisse toute la place au récit. Elle nous montre en parallèle le récit des différentes femmes venues consulter et la posture de Jean, avant et après. On sent la jeune femme se remettre en question, faire progressivement preuve enfin de plus de bienveillance.

Un récit essentiel, sous cette forme ou sous une autre, à mettre absolument entre toutes les mains. Un coup de coeur ! ❤️ 


Le choeur des femmes, d'Aude Mermilliod et Martin Winckler
Éditions Le Lombard
Avril 2021

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