Le Diable dans la Ville Blanche [Erik Larson]



L'auteur : Erik Larson est un écrivain américain né en Janvier 1954. Egalement journaliste et professeur à l'université, il écrit surtout des romans historiques et policiers.

L'histoire : 1893 : l'Exposition universelle de Chicago est l'occasion pour les États-Unis de montrer leur puissance au reste du monde. Au coeur de cet événement sans précédent, le célèbre architecte Daniel H. Burnham, créateur du premier gratte-ciel, à qui revient la tâche de créer une cité de rêve, la Ville blanche. On attend près de 30 millions de visiteurs, de nombreuses personnalités, parmi lesquelles Houdini, Frank Lloyd Wright ou Thomas Edison.
Mais, dans l'ombre de l'Exposition, une autre figure accomplit de bien plus noirs desseins : H.H. Holmes, un jeune médecin apparemment bien sous tous rapports, en réalité l'un des tueurs en série les plus terrifiants de l'histoire du crime, sur la piste duquel se pressent un inspecteur d'une incoryable ténacité et une étrange association, le Whitechapel Club.

Mon avis : Nous sommes bien en face d'un document historique plus qu'un roman. Mais ce livre se lit presque comme un roman : l'auteur retrace les péripéties menant à l'obtention puis à la construction de l'Exposition universelle de Chicago en 1893, comme si c'était une histoire imaginée. Mais non, tous les faits et les personnages sont réels et il faut avouer que cette exposition a dû être un événement exceptionnel. Cette débauche d'énergie, d'argent, de folie dans ce Chicago symbole de la puissance américaine en pleine explosion et encore si fragile est vraiment fascinant. Je ne connaissais pas du tout cette exposition qui suivait celle de Paris, exceptionnelle elle aussi, qui avait placé la barre très haut entre autre avec la Tour Eiffel. Cependant, l'Exposition de Chicago a marqué son temps et influencé profondément l'Amérique du XXe siècle : les progrès technologiques tels que l'architecture moderne, l'électricité alternative et surtout la confiance en sa puissance naissante.
E.Larson a réalisé un travail admirable en compulsant une quantité impressionnante de documents pour condenser tout cela dans cette aventure humaine hors du commun. Il parsème le récit de nombreuses anecdotes pittoresques ou de citations, explique les répercussions de certains événements dans notre époque actuelle. On découvrira par exemple qu'un certain Disney travaillât sur ce chantier et racontât à son fils Walt le soir qu'il fabriquait des châteaux de rêve d'un blanc immaculé... Les personnages principaux décrits par l'auteur furent de sacrés bonshommes ayant vécus plusieurs vies en une seule et il n'y a pas besoin d'en rajouter pour intéresser le lecteur.
Le récit traite principalement de l'Exposition de Chicago mais il y mêle une histoire terrible : un des premiers tueurs en série américains a sévi pendant l'Exposition, profitant du désordre ambiant pour tuer de nombreuses jeunes femmes (et quelques hommes et enfants également). Il se construisit un véritable hôtel de l'horreur avec un four spécial et une chambre forte pour enfermer ses victimes et les voir souffrir avant de les gazer. Mais il aimait surtout manipuler ces jeunes femmes vulnérables, pendant des mois parfois, pour leur extorquer tout ce qu'elles possédaient jusqu'à leur vie. Ce Holmes fut un tueur sadique, méticuleux poussant le côté manipulateur à son paroxysme. Il utilisait froidement les gens. Je vous laisse découvrir ses derniers meurtres qui sont tout de même complètement ignobles et d'un sadisme  et d'une perversion inouis.
À un moment, j'ai été un peu déçu du mélange de ces 2 histoires. Le récit de l'Exposition de Chicago est tellement exceptionnel que cette histoire de tueur en série fait un peu accessoire voire limite racoleur. Mais au fur et à mesure que j'avançais, je me suis rendu compte que ce parallèle était assez original et même très intéressant et révélateur de l'époque. Quelque part, cela prouvait que ce tueur a pu exister parce que l'Exposition de Chicago a pu exister (et vis versa même si c'est un peu trop fort). S'il n'y avait pas eu cette folie dans ce Chicago-là, jamais ces folles architectures et inventions n'auraient pu voir le jour. De plus, le livre l'indique bel et bien dans son titre : la ville construite pour l'Exposition fut nommée "la Ville blanche" mais cela s'opposait surtout à Chicago qui était surnommée la "Ville noire", sale, puante, violente, malsaine. La Ville noire avait donné le jour à la Ville blanche. La Ville noire hébergeait le mal en son sein. Et celui-ci en a profité pour corrompre la Ville blanche. Comme un symbole de cette grandeur et de cette décadence à la fois.
Je ne saurais donc trop vous conseiller la lecture de ce livre, ne serait-ce que pour découvrir cette Exposition de Chicago. On y découvre aussi cette Amérique de 1890, époque charnière entre l'Amérique de l'Ouest sauvage opposée à la florissante New York qui commerce avec l'Europe et l'Amérique naissante qui allait bientôt dominer le monde et se développer vers l'Ouest !

Un grand merci aux éditions du Cherche Midi pour cette lecture.  J'aurai mis le temps pour le lire, mais j'ai beaucoup apprécié.

Commentaires

Neph a dit…
C'est assurément un des ouvrages les plus réussis que j'ai pu lire en 2011 ! Une merveille !
Alex Mot-à-Mots a dit…
Plus document historique que roman, je n'aurai pas dit ça. Quoique.
gruikman a dit…
@neph: je ne sais pas si j'irais jusque là parce que j'ai lu des choses très sympas et moins mécaniques peut-être mais ça n'en reste pas moins remarquable
@alex: je trouve que ça reste une collection de documents malgré le fait que ce soit admirablement agencé et écrit. On voit qu'il doit replacer certaines anecdotes et des fois c'est un peu gros. Mais bon, globalement, c'est passionnant

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