Cent cinquante pulsations [Laurent Boyet]

L'auteur : Laurent Boyet est à la fois écrivain (c'est ici son 4e roman) et capitaine de police.

L'histoire : Tout aurait pu sourire à Watson Epps, instituteur noir, sans histoire et bien élevé, en poste à Clarksville, dans le comté de Red River, au Texas. Pourtant, à Huntsville, Watson Epps est dans le centre d’exécution des condamnés à mort, Ellis Unit. Dans quelques minutes, il va mourir par injection létale. De sa cellule au fauteuil où la mort doit venir le cueillir, il revient 18 ans en arrière, à ce jour où il est devenu l’assassin du sheriff de Clarksville, Doug Brooks.
Eileen Brooks est quant à elle coincée dans une voiture, quelque part entre Chicago et Huntsville. Elle accompagne son fils, Justin, qui attend depuis 18 ans que justice soit faite et que l'assassin de son héros de père ait enfin ce qu'il mérite. Ne pouvant plus se dérober, ni se cacher dans la fuite ou dans l’alcool, Eileen doit répondre aux questions de son fils, revenir à son tour 18 ans en arrière pour tenter d'expliquer à Justin qui était vraiment son père et pourquoi, comment il est mort.
Au rythme de son cœur qui s'emballe à l’approche de la mort, et sur fond d’une très belle histoire d’amour, Watson Epps nous plonge dans une Amérique surannée, mais pourtant pas si lointaine, celle de Reagan, de la ségrégation qui persiste, du racisme, celle des coins perdus du Texas.
Au fil des kilomètres, des grandes villes américaines traversées, Eileen livre enfin sa vérité, celle où, au Texas, les hommes (blancs de préférence) sont plus forts qu'ailleurs.
Lorsque le roman commence, Watson Epps en est déjà à 150 pulsations. Eileen et Justin sont sur la Route 61, dans le Missouri, à 10 heures de l'exécution...

Mon avis : Commençons tout de suite par les points négatifs. Ce roman n'est pas dénué de quelques défauts : des coquilles, pas trop nombreuses mais qui gênent parfois la lecture. Mais surtout, un personnage très intéressant qui voyage en bus et raconte l'histoire de l'Amérique profonde sur les routes, dont je n'ai pas compris l'identité. Une histoire assez prévisible peut-être.
Mais voici un roman qui vous emporte dans son ambiance, malgré un format assez court. Surement que ce format court est d'ailleurs un atout car si il avait été plus long, il y aurait eu des répétitions, des longueurs inutiles. J'ai tout de suite été touchée par Watson. Il a beau être dans le couloir de la mort, voire plus précisément sur le chemin entre sa cellule et la salle d'injection, on sait, on sent que son histoire n'est pas simple. Et surtout, j'ai été touchée par Eileen. Si l'histoire de Watson est assez simple en fait, car il est victime d'un racisme ordinaire, mais pour autant tout à fait intolérable, celle d'Eileen est plus complexe. Elle doit s'ouvrir et avouer ses fautes à son fils pour lui faire comprendre qui était réellement ce père qu'il adule.
Le lecteur a beau connaître à l'avance les ingrédients qui composent se récit (ségrégation, racisme, histoire d'amour, meurtre certainement moins évident qu'on ne le croit), l'ambiance est bien construite  et les pages se tournent de plus au plus vite, comme le rythme cardiaque du condamné qui s'emballe. Les points de vues sont alternés au sein d'un même chapitre, mais facilement distinguables. Ils apportent une vision différente de l'histoire. J'aurais espéré jusqu'à la fin que quelque chose vienne empêcher cette fin tragique. Quant aux apartés du personnage qui travaille pour Greyhound, elles sont intéressantes et dessinent une Amérique encore rongée par la ségrégation, alors que les Noirs ont tant apporté à la construction de ce pays.
Un court roman qui a qualités et défauts donc, mais dont le sentiment général, après ma lecture, reste positif grâce à l'ambiance haletante qui a su se mettre en place.

 Un grand merci à Livraddict et à Laurent Boyet et Numeriklivres pour cette découverte en partenariat.

Commentaires

Anonyme a dit…
Oh moi aussi j’ai publié mon avis aujourd’hui ! J’ai aussi trouvé que les apartés de la personne dans le Greyhound (j’ai cru que c’était l’auteur lui-même qui parlait, peut-être que je me trompe ?) étaient très intéressantes. Mais j’ai quand même été surprise par la révélation finale que je n’ai vraiment pas vu venir !
La chèvre grise a dit…
Non, tu ne te trompes pas, Fille-de-lecture me l'a confirmé après avoir eu l'info de l'auteur lui-même.
Fille-de-lecture a dit…
Moi aussi j'ai beaucoup aimé cette histoire. Tragique mais belle ! Comme tu le sais, j'ai aussi eu du mal à savoir qui était le personnage dans le bus et j'ai été gêné par les fautes qu'il y avait dans mon format. Mais je conseille quand même ce livre, il est très excitant et les pages se tourne toutes seules.
Alex Mot-à-Mots a dit…
J'aime bien les romans qui savent créer une ambiance.
La chèvre grise a dit…
@ Fille de lecture : moi aussi j'avais quelques coquilles assez gênantes. Cela devient malheureusement assez courant, même chez les grandes maisons d'édition. Alors chez les petites...

@ Alex : c'est clairement le cas de celui-ci qui pourrait te plaire je pense !

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