Patients [Grand Corps Malade]

L’auteur : Grand Corps Malade, alias Fabien Marsaud à la ville, est un slameur français né en juillet 1977. Il a grandement participé à populariser ce style musical avec des textes ciselés et sensibles dans lesquels il montre son amour de sa banlieue et de la vie en général.

L’histoire : Il y a une quinzaine d’années, en chahutant avec des amis, le jeune Fabien, pas encore vingt ans, fait un plongeon dans une piscine. Il heurte le fond du bassin, dont l’eau n’est pas assez profonde, et se déplace les vertèbres. Bien qu’on lui annonce qu’il restera probablement paralysé à vie, il retrouve peu à peu l’usage de ses jambes après une année de rééducation. Quand il se lance dans une carrière d’auteur-chanteur-slameur, en 2003, c’est en référence aux séquelles de cet accident – mais aussi à sa grande taille (1,94 m) – qu’il prend le nom de scène de Grand Corps Malade.

Mon avis : Une amie m’avait fait découvrir son album Midi 20 et j’avais apprécié ses textes. Puis nous sommes allées le voir en concert et ça rendait vraiment bien car nul besoin de bouger dans tous les sens quand les textes sont aussi forts et que la voix dégage une telle passion et un tel plaisir. Alors, naturellement, j’ai été tentée par la lecture de son récit autobiographique.

Le livre commence avec deux textes issus des slams de l’auteur, qui touchent de prêt au sujet de son passage en milieu hospitalier et plus précisément en rééducation. Puis commence l’immersion totale et brutale dans le monde du handicap.

Ce récit est un récit sur l'humain avant tout. Du patient bien sûr, des patients car chacun est différent dans son vécu, mais aussi du personnel soignant. Ces derniers sont souvent compétents mais, comme dans n'importe quel métier, il y a aussi parfois de sacrés connards incapables de considérer les patients comme des êtres doués de sentiments. Grand Corps Malade décortique donc les relations au sein du centre de rééducation où il va réapprendre le quotidien : après la grille d’aération de la salle de réanimation, c’est la chambre individuelle puis collective ; les moments gênants des lavements et des sondes urinaires ou des érections intempestives sans aucun rapport avec un stimulus quelconque, la douche qui prend tout de suite une heure, l’habillage, la cantine, les adaptations d’outils comme la télécommande pour pouvoir changer les chaînes de la télévision, la salle de kiné, les copains de galère qu’on se fait par la force des choses. Et surtout, surtout, on « nique le temps ». Car un patient porte bien son nom : il patiente énormément. Quand l’autonomie a disparu, et qu’une totale dépendance au personnel soignant s’installe, le patient passe beaucoup de son temps à attendre qu’on vienne satisfaire un besoin ou une demande.

À la lecture, on se prend à se demander si nous aussi nous pourrions faire preuve d’autant d’espoir et de persévérance. Car les textes de Grand Corps Malade dégagent une telle vitalité, un tel courage ! Certes, la situation est difficile à accepter. Mais il fait preuve d’une niaque phénoménale. Il le dit lui-même, ce n’est pas un courage de héros, c’est un courage imposé par la situation et par l’envie de vivre.

J’ai bien compris que les moments de doute et de découragement sont largement passés sous silence. Mais le propos n’est de toute façon pas de donner au lecteur une vision globale de la vie d’un para/tétraplégique dans un centre de rééducation. Il est bien davantage de nous rappeler, à nous qui sommes droits sur nos deux jambes et totalement autonomes dans nos mouvements et notre quotidien, en à peu près bonne santé, la chance que nous avons. A nous de goûter totalement ce plaisir de vivre et d’apprécier chaque instant qui nous est donné.

Un titre qui remet beaucoup de choses en perspective chez le lecteur.

Patients, de Grand Corps Malade
Don Quichotte
Octobre 2012

Commentaires

Alex Mot-à-Mots a dit…
Une lecture que j'avais beaucoup appréciée.
La chèvre grise a dit…
@ Alex Mot-à-Mots : elle remet bien des choses en perspective chez un lecteur somme toute assez valide :)

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