La différence invisible [Mademoiselle Caroline & Julie Dachez]

Les auteurs : Mademoiselle Caroline est née à Paris et est illustratrice. Elle travaille ici au service du récit de Julie Dachez qui s'inspire de sa vie personnelle, elle qui a été diagnostiquée Asperger à 27 ans.

L'histoire : Marguerite a 27 ans et à première vue, rien ne la distingue des autres. Elle est jolie, vive et intelligente. Elle travaille dans une grande entreprise, vit en couple... Pourtant, elle est différente et lutte chaque jour pour préserver les apparences. Lassée de se sentir en permanence décalée, elle décide un jour de partir à la rencontre d'elle-même ; sa vie va s'en trouver profondément modifiée.

Mon avis : La différence invisible est indéniablement un témoignage poignant sur la découverte de la différence. Et plus spécifiquement sur le syndrome d’Asperger. Il commence par une introduction de deux psychologues sur l’historique de l’autisme et se termine par un descriptif du syndrome d’Asperger. Avec étonnement, j’ai appris que dans 8 cas sur 10 les personnes touchées sont des garçons. Et que les filles sont plus difficiles à diagnostiquer car elles ont naturellement la capacité de se fondre dans un moule, de passer inaperçues, de mettre en place des stratégies d’adaptation ; leur comportement étant moins décalé, leur entourage ne pense pas qu’il peut y avoir difficultés et souffrances chez leur interlocutrice. À l’inverse, je savais déjà que l’autisme était un trouble qui peut prendre des formes différentes et très variées d’une personne à une autre.

Revenons au cœur du récit, qui nous parle de Marguerite, une jeune femme qui ressemblerait presque à n’importe quelle autre jeune femme. Elle travaille, a un petit ami, des amis, un quotidien… Mais elle est aussi en souffrance : le bruit l’insupporte, la foule aussi ; elle n’aime pas sortir de sa routine, ne comprend pas l’implicite et supporte difficilement le contact physique. Elle doit fournir des efforts draconiens pour interagir en société. Elle va finir par chercher une explication à son mal-être et tomber sur internet sur le syndrome d’Asperger. Commence alors tout un parcours pour savoir enfin si elle est oui ou non « aspie ».



Visuellement, l’album est réussi : Mademoiselle Caroline illustre parfaitement le fossé qui sépare ce que Marguerite ressent de ce qu’elle renvoie aux autres. Du monochrome avec des incursions de rouge illustrant la difficulté on passe petit à petit à des couleurs plus vives et gaies, au fur et à mesure que Marguerite découvre ce qu’elle est réellement.

En tant que personne « typique » (pour reprendre le terme utilisé dans cet album), je me suis posée beaucoup de questions sur le comportement à avoir face à une personne Asperger : comment l’aider, comment se montrer compréhensif, tout en entrant en relation avec elle ? Alors que pour certains c’est justement cette entrée en relation qui peut être vécue comme une agression… Si la personne Asperger ne nous donne pas elle-même les clés pour communiquer avec elle, c’est forcément très compliqué. Même si La différence invisible adopte le point de vue de Marguerite, j’ai trouvé la vision de ses collègues de travail très simpliste : tous passent quasiment pour des gros lourdauds peu sensibles, intéressés uniquement de fête ou de shopping.

Ce sera cependant le seul bémol pour cet album, qui permet de lever le voile sur ce trouble si peu connu et terriblement mal diagnostiqué, notamment en France.

La différence invisible, de Mademoiselle Caroline et Julie Dachez
Editions Delcourt
Septembre 2016

Commentaires

keisha a dit…
Cela m'a l'air vraiment intéressant, autant en apprendre sur le sujet . je crois que certains écrivent des livres sur leur vécu. (comme Hugo Horiot)
Alex Mot-à-Mots a dit…
Tant pis pour les collègues lourdeaux, je note le titre.
La chèvre grise a dit…
@ Keisha : tout à fait.

@ Alex Mot-à-Mots : oui, c'est très anecdotique par rapport au récit.
Folavril a dit…
Ta chronique me rappelle mon envie de lire cette BD!
c'era una volta a dit…
Voilà bd acquise et lue.
Je suis d'accord avec toi, il y a quelques clichés quant aux collègues de travail. Mais il y a bien des gens que nous côtoyons qui sont ainsi hein :p Et peut-être que cette vision est très tranchée mais c'est ce sont aussi des situations vécues par la scénariste.
Et ça ne l'empêche pas de nous montrer des personnes non aspies moins futiles, plus tolérantes, en somme plus intelligentes dans leur appréhension de la différence.

Marguerite est très attachante. Le dessin qui sert bien le scénario m'a fait ressentir toutes les émotions de cette jeune femme, c'est touchant et révoltant. C'est en tout cas, sur un ton très juste.

En tout cas, effectivement une vraiment bonne BD dont il se dégage beaucoup d'émotions et qui fait réfléchir.

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