Station Eleven [Emily St John Mandel]

L'auteur : Née en 1979 en Colombie-britannique, Emily St John Mandel est une romancière canadienne anglophone spécialisée dans le roman policier. C'est pourtant avec son premier roman de science-fiction Station Eleven qu'elle rencontre un franc succès, nommée pour plusieurs prix.

L'histoire : Un soir d'hiver à l'Elgin Theatre de Toronto, le célèbre acteur Arthur Leander s'écroule sur scène, en pleine représentation du Roi Lear. Plus rien ne sera jamais comme avant.

Dans un monde où la civilisation s'est effondrée, une troupe itinérante d'acteurs et de musiciens parcourt la région du lac Michigan et tente de préserver l'espoir en jouant du Shakespeare et du Beethoven. Ceux qui ont connu l'ancien monde l'évoquent avec nostalgie, alors que la nouvelle génération peine à se le représenter. De l'humanité ne subsistent plus que l'art et le souvenir. Peut-être l'essentiel.

Mon avis : Qui n’a pas entendu parler de Station Eleven, le roman de science-fiction sorti fin d’année dernière et largement encensé par les média et la blogosphère ? J’ai fini par l’emprunter à la bibliothèque pour me faire mon propre avis. Et si j’ai passé un excellent moment de lecture, je ne crierai pas au coup de cœur.

Tout commence par une représentation du Roi Lear dans un théâtre à Toronto. Le grand comédien Arthur Leander est une des premières victimes d’une grippe qui va décimer 99% de la population mondiale. Les survivants que nous allons suivre ont tous un lien plus ou moins proche avec Arthur et vont devoir affronter une nouvelle vie pour laquelle ils ne sont pas du tout préparés : plus de repères et les êtres qui errent à la recherche d’un sens.

Passées les premières semaines, la technologie s’arrête : plus d’internet, plus d’électricité, plus d’eau courante, plus d’essence donc plus de déplacements mécanisés… Les voitures jonchent les routes, donnant aux paysages un air de The Walking dead (je suis en plein dans la 6e saison, d’où la ressemblance évidente). On ne sait jamais si celui qu’on croise est amical ou non et on s’adonne aux pillages des maisons désertées pour trouver des produits manufacturés. Pourtant, dans ce monde dévasté, la Symphonie itinérante est une compagnie qui va de communauté en communauté pour donner des représentations de pièces de théâtre de Shakespeare et jouer du Beethoven. La mémoire du passé et notamment de l’art est pour eux un moyen de faire plus que survivre dans ce nouveau monde. Pourtant, à ressasser le passé en permanence, ceux qui ont connu ce monde d’avant perdent le lien avec la nouvelle génération, née après l’épidémie.

Emily St John Mandel alterne les époques et les personnages pour tisser une histoire au final pas forcément très originale : McCarthy a fait bien plus effrayant avec La route dans le genre post-apocalyptique et Damasio plus profond avec La horde du contrevent dans le genre quête d’une nouvelle identité. Mais son style emporte le lecteur sur les traces des différents protagonistes et décrit un monde non dénué d’une sorte de beauté, où la civilisation revient à ses premiers besoins primaires : vivre, manger, dormir, le tout en sécurité. L’art seul porte l’Homme plus loin, vers un ailleurs où il trouvera peut-être la rédemption.

Ce qui est dommage, c’est qu’on ne suive pas davantage la Symphonie itinérante pour comprendre les motivations de chacun de ces participants. A se centrer sur Arthur Leander, qui n’a au final que peu d’intérêt comme personnage, on perd en profondeur, et on se focalise trop sur l’avant plutôt que l’après. Le personnage du fils d’Arthur, Tyler, aurait par contre mérité bien plus que ces quelques pages finales. D’autres bonnes idées parsèment ce roman, comme le Musée des Civilisations, mais cela peine à construire un univers pleinement original. L’originalité se trouvant plutôt dans la bande dessinée réalisée par Miranda, première femme d’Arthur, dont le roman tire son nom. Là aussi, on aurait aimé en savoir plus et que les liens entre les deux mondes soient plus serrés.

Bref, ça se lit avec plaisir mais ça n’est pas pour moi la claque annoncée partout.

"Les caravanes étaient d’anciens pickups aux roues en bois et en acier, aujourd’hui tirés par des attelages de chevaux. On avait retiré toutes les pièces rendues inutiles par la disparition de l’essence – moteur, système d’alimentation en carburant, tous les autres composants qu’aucun humain de moins de vingt ans n’avait jamais vus fonctionner – et on avait installé un banc sur le toit de chaque cabine pour les conducteurs."


Station Eleven, d'Emily St John Mandel
Traduit par Gérard de Chergé
Editions Rivages
Juin 2016

Commentaires

Alex Mot-à-Mots a dit…
Il m'attend dans ma liseuse. Affaire à suivre....

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