Sous les galets, la plage [Pascal Rabaté]

De Rabaté j'avais déjà lu Un ver dans le fruit et Didier, la 5e roue du tracteur que j'avais beaucoup aimé. Ce n'était donc qu'une question de temps pour que je continue de découvrir les albums de cet auteur. Sous les galets, la plage a fait partie de la sélection officielle du 49e festival d'Angoulême.

L'histoire : Loctudy, septembre 1963, la station balnéaire se vide de ses derniers résidents estivaux. Seuls Albert, Francis et Edouard, futurs étudiants prolongent leurs vacances en attendant de commencer chacun de brillantes études supérieures devant les mener vers de prestigieuses destinées toutes tracées. Détachés de l’autorité familiale, ces fils de bonne famille comptent bien profiter de cette liberté pour vider quelques bouteilles et vivre de nouvelles expériences. Mais dans ces familles bourgeoises et patriarcales, on ne fréquente pas n’importe qui, on ne déshonore pas sa famille et on rentre dans le rang quelles que soient les méthodes employées.

Mon avis : Chez Rabaté, ce qui me frappe, c'est l'expressivité des visages. Ici, ça ne rate pas : étonnement, dépit, rancœur... tout passe dans un regard, une expression. Et c'est à nouveau nécessaire pour comprendre tout ce qui se joue dans ces familles bourgeoises où l'éducation bride les velléités de la jeunesse. Trois adolescents gouttent la liberté de l'été où les parents partent en leur laissant la maison. Sûrs de l'éducation stricte qu'ils ont donné à leur progéniture, des destins tout écrits dans les traces paternelles, les bourgeois parents n'ont aucune crainte. Pourtant, il faut bien que jeunesse se passe et la rencontre avec Odette sera le rite d'entrée dans la vie adulte.


C'est donc presque un récit initiatique mâtiné de critique sociale que Rabaté nous livre. On sait qu'il aime à traiter de ses contemporains et à les croquer dans leurs travers. Il joue de l'humain de façon précise et ciselée. Cet album ne fait pas exception. Ici, le drame se devine en filigrane, la tension est là, sans que le lecteur ne comprenne trop pourquoi, jusqu'aux dernières pages. La palette de couleurs choisie pour la mise en image, dans des tons pâles, brouille également les pistes, laissant croire à un léger récit de vacances. Pourtant l'arrivée d'Odette va chambouler les plans de nos trois jeunes hommes en leur ouvrant les portes de encanaillement. Sans qu'ils le sachent, il faudra pourtant en payer le prix : choisir soi-même sa destinée en décidant de rester dans le chemin tracé ou oser prendre un autre chemin et rompre avec la tradition familiale.

Si j'ai fermé cet album avec un sentiment un peu léger, je me suis rapidement rendue compte qu'il m'avait bien plus marqué que je ne l'imaginais au premier abord. Plus profond et déroutant qu'il n'y parait. Une belle surprise !


Sous les galets, la plage, de Pascal Rabaté
Éditions Rue de Sèvres
Novembre 2021

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