Céleste tome 1 : "Bien sûr, Monsieur Proust" [Chloé Cruchaudet]

Après ma lecture très mitigée d'Ida, il fallait que je tente une autre œuvre de Chloé Cruchaudet qui a déjà su me convaincre avec d'autres albums. Cette fois, je m'intéresse à son tout dernier travail Céleste.
 
L'histoire : À l'occasion du centenaire de la mort de Marcel Proust, ce diptyque, signé Chloé Cruchaudet, repose sur une structure en miroir et s'intéresse au lien qui unit Céleste Albaret et l'écrivain de génie.

Grâce à de multiples sources, Chloé Cruchaudet tisse le portrait dévoué et passionné de Céleste Albaret, gouvernante et parfois secrétaire de Marcel Proust jusqu'à sa mort, en 1922. Elle révèle leur lien, l'écrivain sous toutes ses aspérités, l'atmosphère d'une époque et les dessous de la construction d'une fiction. Monde réel et monde fantomatique s'entremêlent pour nourrir ce sublime diptyque.

Mon avis : Après la déception qu'avait été Ida, c'est un peu sur la retenue que j'ai commencé ce premier tome du diptyque de Chloé Cruchaudet consacré à la relation entre Céleste Albaret et Marcel Proust. D'autant qu'a priori le sujet ne me passionnait pas plus que ça. Mais cette lecture s'est révélée une très bonne surprise, au point qu'il me hâte de découvrir le deuxième et dernier tome.

Céleste Albaret fut la gouvernante et même parfois la secrétaire du grand auteur Marcel Proust. Une relation qui durera huit ans, de 1914 jusqu'à la mort de l'écrivain en 1922. C'est donc à l'aube de la première guerre mondiale que tout commence. Pourtant, il ne faut pas trop lui en demander à Céleste, elle n'est pas très dégourdie. Jeune mariée, elle tient son ménage de façon assez surprenante et passe son temps à rêvasser. Heureusement, Odilon gagne les revenus du couple en faisant le taxi et occasionnellement en véhiculant Monsieur Proust. Alors que le majordome de Proust est mobilisé, Odilon saute sur l'occasion de proposer les services de la jeune femme afin de l'occuper et de la sortir de son indolence. C'est ainsi que la jeune femme entre en relation avec ce futur grand auteur qui n'a de cesse non pas de raconter une histoire mais de mettre en mots "une succession d'images figées, sur lesquelles on resterait si longtemps, qu'on comprendrait, sentirait, chaque détail…"



Au fur et à mesure Céleste va prendre une place de plus en plus grande dans la vie de Proust. Pourtant rien ne semblait pouvoir fonctionner entre ce dandy homosexuel capricieux à la santé fragile essayant de percer dans la littérature et cette femme n'ayant aucune appétence pour les taches domestiques pour lesquelles elle est embauchée. Mais son franc parler rafraichissant est inspirant et c'est une relation étonnante qui se noue entre ces deux êtres, où la notion de classe s'abolit presque, chacun jouant plus que sa partition tant l'autre lui est essentiel. Au cœur d'une ville bombardée, dans ce huis clos de l'appartement parisien, c'est tout un monde qui se révèle au gré des fantasmagories qui surgissent dans l'esprit de l'écrivain, rythmées par des phrases tirées de La recherche du temps perdu.

Le travail graphique de Chloé Cruchaudet, le trait comme la couleur, est formidable. Parfois juste avec quelques lignes, tout en élégance et délicatesse, il donne à voir les pensées littéraires de Proust qui se traduisent ensuite en écrit. Il fait aussi la part belle à Céleste, au cœur de la narration, personnage veillant à la matérialité de l'existence de l'écrivain.


Céleste, tome 1 : "Bien sûr, Monsieur Proust", de Chloé Cruchaudet
Éditions Soleil
Juin 2022

Commentaires

keisha a dit…
Une belle réussite en effet, et on attend le 2 !
nathalie a dit…
On me l'a offert. C'est à la fois très fidèles aux souvenirs de Céleste Albaret et plein de fantaisie et de trouvailles graphiques. J'aime beaucoup !
Violette a dit…
J'ai adoré, moi aussi !!

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