Exposition : Le mystère Cléopâtre


L'Institut du Monde Arabe propose en ce moment une exposition didactique sur Cléopâtre qui, si elle est simple, repose bien la réalité de ce qu'était cette reine d'Égypte et requestionne tout le mythe qui l'entoure.

Figure féminine surement la plus connue et la plus emblématique de l'Histoire, Cléopâtre fascine. Pourtant, on en sait au final assez peu sur elle et ce que l'on pense en savoir se confronte assez mal à la réalité historique. C'est que son image s'est autant façonnée de son vivant, notamment avec son suicide, qu'après. Au fil des siècles, les politiques et les artistes se sont emparés de cette figure pour la remodeler, l'élevant au rang de légende, de mythe puis d'icône. L'exposition propose plus de 200 œuvres très diverses pour essayer de lever le mystère.

Crédit photo : Alice Sidoli / Institut du Monde Arabe

De façon efficace, l'exposition rappelle dès l'entrée l'état des connaissances historiques sur Cléopâtre. Issue, d'une famille d'origine grecque mise sur le trône d'Egypte, elle nait en 69 av. J.C. à Alexandrie, sous le règne de son père Ptolémée XII. Pour rappel, Alexandrie a été fondée deux siècles et demi plus tôt par Alexandre le Grand, roi de Macédoine. Après la mort de ce dernier, le pouvoir revient à Ptolémée, un de ses officiers, qui établit la dynastie égyptienne des Ptolémées qui règne sur le pays pendant trois siècles. Cléopâtre sera la septième et dernière souveraine de la lignée des Ptolémées.

Cléopâtre prend le pouvoir en 52 avant notre ère, et l'Égypte est alors sous protectorat romain. Elle a perdu des territoires et la reine ambitionne de lui redonner sa grandeur. Il faut surtout garantir l'autonomie relative du pays. Au milieu des hommes qui l'entourent et qui sont en permanence en pleine lutte de pouvoir, elle sait se montrer fine diplomate et se lie avec Jules César puis Marc Antoine, élimine ses frères qui pourraient revendiquer le trône et associe au pouvoir son fils, Césarion. Les guerres fratricides romaines mettent en concurrence Octave et Marc Antoine, jusqu'à la défaite de Cléopâtre à la bataille d'Actium et son suicide en 30 avant notre ère.

Pièce de monnaie égyptienne, 50 piastres reine Cléopâtre an 1442 © collection particulière

On a tous d'elle l'image d'une femme très belle. On oublie donc de dire qu'elle était surtout intelligente, fine psychologue, diplomate et politique, cultivée et œuvrant pour son royaume. Elle n'aurait pas pu réaliser tout ce qu'elle a fait du seul fait de sa beauté et ne peut donc être réduite à ce seul caractère physique. D'autant qu'aucune source de l'époque n'en fait particulièrement mention !

Cartouche de Cléopâtre sur une corniche

D'où vient donc cette image de femme fatale ? Tout simplement des chroniqueurs romains de l'époque qui se sont voués à un véritable travail de réécriture au service de la propagande. Alors que dans le monde arabe, on garde surtout la trace d'une souveraine compétente, les auteurs romains proches d'Octave, devenu l'empereur Auguste, parlent de "reine prostituée", diffusent insultes et calomnies. L'objectif : discréditer Cléopâtre et décrédibiliser la candidature potentielle de Césarion à la succession !

La mort de Cléopâtre, par Jean-André Rixens - 1874

Il faut ensuite attendre la Renaissance pour qu'on porte à nouveau un intérêt à cette figure historique. Et c'est sa mort par suicide pour éviter d'être humiliée qui la porte au rang de grande figure historique tragique. Il faudra encore des siècles pour qu'elle retrouve cette dignité de souveraine régnante, capable, résistant à l'envahisseur romain.

Elizabeth Taylor dans Cleopatre de Joseph L. Mankiewicz en 1963
Crédit: Everett Collection/Bridgeman Images
© 20th Century Fox Film
Corporation Everett Collection Bridgeman Images 

Une telle figure ne pouvait échapper aux arts, à la publicité (on se souvient tous des savons au lait d'ânesse) et au cinéma notamment. Qui la conforte malheureusement dans cette image stéréotypée de femme fatale jouant uniquement de ses charmes, les réalisateurs abusant du cliché orientaliste.

Une exposition un petit peu décevante sur les œuvres proposées (j'imagine cependant qu'il n'est pas facile de déplacer des œuvres majeures) mais que j'ai tout de même beaucoup apprécié car elle restaure la figure de Cléopâtre et son rôle prépondérant dans l'histoire de l'Égypte, loin de ce qu'un monde machiste se plait à en retenir. Pour conforter cette impression, la dernière salle est d'ailleurs bigrement amusante, revoyant de façon plus féministe et de fait réaliste, les grands textes masculins qui font référence cette reine.


Informations utiles :

Du 11 juin 2025 au 11 janvier 2026
Du mardi au jeudi, de 10h à 18h, du samedi au dimanche de 10h à 19h, le mercredi en nocturne jusqu'à 21h30

Institut du Monde Arabe
1, rue des Fossés-Saint-Bernard
Place Mohammed-V 75005 Paris
Tel : 01 40 51 38 38

Tarif normal : 15€ pour l'exposition
Tarif réduit : 13€

Site du musée Institut du Monde Arabe ici

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