Les villes de la plaine [Diane Meur]

L'auteur : Diane Meur est une femme de lettres belge, née en janvier 1970.

L'histoire : Dans une civilisation antique imaginaire, mais qui éveille en nous un curieux sentiment de familiarité, le scribe Asral se voit chargé de produire une copie neuve des lois. Grâce aux questions naïves de son garde Ordjéneb, il s’avise bientôt que la langue sacrée qu’il transcrit est vieillie et que la vraie fidélité à l’esprit du texte consisterait à le reformuler, afin qu’il soit à nouveau compris tel qu’il avait été pensé quatre ou cinq siècles plus tôt.

Peu à peu, cependant, le doute s’installe. Qui était Anouher, législateur mythique dont on a presque fait un dieu ? Ces lois qui soumettent à un contrôle de chaque instant la vie publique, les relations privées et jusqu’au corps des femmes, sont-elles toutes de sa main ? Et Asral a-t-il plus de chances de le savoir un jour que de se faire aimer de Djinnet, un jeune chanteur du faubourg des vanniers ?

C’est tout le talent de Diane Meur que de nous faire réfléchir aux grandes questions de la religion et de nos systèmes politiques par le biais de ce récit haletant, où souffle un vent de liberté jubilatoire et contagieux. Nous suivons Asral dans sa quête, et Ordjéneb dans sa progressive initiation, avec le même plaisir que nous voyons se déliter l’un après l’autre les traditions et les rituels de cet ordre social rigide. Les suivrons-nous jusqu’au bout ? Ou préférerons-nous retomber en proie à la fascination du mythe, comme ces archéologues prussiens que nous découvrons, vers 1840, en train d’exhumer les premiers vestiges de la ville disparue ?

Entre drame et satire, roman d’amour et fable rationaliste un peu folle, se trouve ici campé un univers qu’on quitte à regret, et qui ne dépaysera pas trop les lecteurs de La Vie de Mardochée et des Vivants et les Ombres.

Mon avis : Voici un roman à côté duquel j'ai failli totalement passer. D'abord parce que je ne connaissais pas l'auteur ni n'en avais entendu parler, ensuite parce que la collection ne m'attire pas l'œil, enfin parce que la quatrième de couverture ne m'aurait pas intriguée plus que cela. Sauf que... ma cousine me l'a offert pour mon anniversaire. Après presque un an sur les étagères, je me suis dit qu'il fallait le sortir de crainte qu'il ne moisisse. Et je me suis plongée dans ses premières lignes. Ma crainte s'est vite envolée et je me suis retrouvée plongée dans ce récit, très intéressant à plus d'un titre.
Asral revient aux fondamentaux de tout texte prescriptif. Il cherche, analyse, tente de comprendre. Il ne se contente pas de recopier, en tant que scribe, les lois de son peuple. Il veut aller plus loin. Un mot n'est pas là pour un autre. C'est une question qui parle à tout lecteur un tant soit peu pointilleux sur le choix des mots fait par un auteur. Chaque mot a sa précision, sa justesse. Ce thème aurait pu être dangereux pour un auteur, sauf que Diane Meur use d'un style juste et limpide, parfaitement adapté à son propos.

C'est vraiment une conteuse de talent. On se laisse porter par ce conte, historique, philosophique, humain. On se laisse porter par cette prose douce et cette ambiance qu'invente l'auteur. On s'amuse ses incursions dans son récit, de son jugement sur ses propres personnages. On s'amuse également de l'apparté d'archéologues cherchant à interpréter les vestiges de la civilisation de Sir. Ils sont tellement obnubilés par leur propre vision qu'ils n'arrivent pas à prendre du recul et analyser clairement ce qu'ils voient. Mais, surtout, on suit Asral qui paiera cher sa découverte des origines de sa civilisation. Ses questions font écho à celles de notre monde actuel, sur la religion, les fondements de notre société, l'humain et ce qui lui importe, notamment la notion de démocratie et de liberté. Où l'être humain est prompt à s'asservir lui-même et à se complaire dans cette situation !

Un auteur à suivre pour moi, et une vraie découverte. Je conseille !

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