Einstein, le sexe et moi [Olivier Liron]

L'auteur : Né en 1987, normalien, agrégé d'espagnol, Olivier Liron enseigne la littérature comparée à Paris III puis se consacre à l'écriture et au théâtre. Son premier roman est Danse d'atomes d'or. Einstein, le sexe et moi est son deuxième roman, paru en 2018.
L'histoire : « Je suis autiste Asperger. Ce n’est pas une maladie, je vous rassure. C’est une différence. Je vais vous raconter une histoire. Cette histoire est la mienne. J’ai joué au jeu télévisé Questions pour un champion et cela a été très important pour moi. »

Nous voici donc en 2012 sur le plateau de France 3 avec notre candidat préféré. Olivier Liron lui-même est fort occupé à gagner ; tout autant à nous expliquer ce qui lui est arrivé. En réunissant ici les ingrédients de la confession et ceux du thriller, il manifeste une nouvelle fois avec l’humour qui est sa marque de fabrique, sa très subtile connaissance des émotions humaines.

Mon avis : Roman vu sur de nombreux blogs avec des avis positifs, j'ai craqué lorsque je l'ai croisé en librairie où j'étais passée faire mes achats de Noël et qui le mettait en coup de cœur. Alors j'ai tenté. Et à vrai dire, j'ai été déçue.

Je ne sais plus qui se demandait si ce roman aurait eu autant de retentissement si son auteur n'avait pas été autiste Asperger. Et je me pose la même question. Car sincèrement, je n'ai rien lu ici de particulièrement remarquable. On me promettait que mon regard changerait, que ce roman était drôle et atypique. Après ma lecture, je ne confirme pas.

L'auteur balance entre séquence sur le plateau du jeu télévisé et souvenirs de sa jeunesse ou de ses années d'étudiant, où le narrateur dit sa difficulté d'être différent. Il faut dire que la société, l'école et les conventions sociales n'aident pas à intégrer celui qui n'a pas la logique adéquate. La construction en miroir fait penser à Slumdog millionnaire sauf qu'on ne voit pas toujours le lien entre le moment clé et la question posée par Julien Lepers.


Par moment, l'auteur semble se complaire à utiliser des mots grossiers ou à tomber dans le scabreux. Cela fait sans doute partie de ses bouffées d'émotions incontrôlables qui l'envahissent parfois : amour, haine, colère... mais qui ne sortent pas autrement que par les mots du narrateur, prenant d'autant plus d'importance qu'elles sont tues.

J'ai globalement aimé les séquences de jeu, où l'agressivité est exacerbée et que tout est fait pour donner l'impression qu'il s'agit d'une question de vie ou de mort. Et j'ai parfois aimé les souvenirs racontés. Mais c'est bien la construction et le style qui me posent problème, comme si l'auteur, pour rester sur un entre deux, refusait de choisir ce qu'il veut dire exactement, et n'assumait pas ou était incapable de basculer dans l'émotion. Du coup, je suis restée détachée.

"Mes parents étaient des fonctionnaires qui n'avaient pas l'air de très bien fonctionner. Ils étaient tous les deux professeurs de maths. Mais ma mère s'intéressait à l'art contemporain et à la botanique, tandis que mon père était passionné de voile et de randonnée. Ils avaient la nature en commun, heureusement ! Mais forcément, chaque sortie finissait par mal tourner. Ma mère voulait passer des heures à identifier une orchidée, tandis que mon père brûlait de faire le tour de la forêt en moins de trois heures. Et même à la mer ou à la montagne, le dilemme entre botanique ou randonnée finissait par se poser.
Chaque promenade était épique. Depuis, j'ai une sainte horreur des promenades en forêt. Ou alors, tout seul et je choisis mon camp à l'avance : soit je vais courir, soit je regarde les petites fleurs. Mais faire les deux en même temps, ça, je ne pourrait plus jusqu'à la fin des temps. C'est vraiment une torture !" (p°134)

Einstein, le sexe et moi, d'Olivier Liron
Alma Éditeur
Septembre 2018

Commentaires

keisha a dit…
Mouais, de plus en plus de manque d'enthousiasme sur ce roman, à voir s'il apparaît à la bibli. Merci pour ton ressenti argumenté
Alex Mot-à-Mots a dit…
Tu n'es pas le premier avis mitigé que je lis pour ce roman qui a pourtant reçu le prix des blogueurs.
Toujours ces phénomènes de buzz média, relayé par les blogueurs de rentrées littéraires. Je n'aime pas l'actu, encore plus quand il s'agit de romans. Le temps du retour critique sur ce roman est arrivé. Merci de ton honnêteté.
Sandrine a dit…
Les attentes sont parfois difficiles à satisfaire, surtout quand on a placé la barre très haut.
La chèvre grise a dit…
@ Keisha : même à la bibli... franchement, si le sujet t'intéresse, je conseillerais plutôt "La différence invisible" de Julie Dachez et Mademoiselle Caroline. Ca a fait aussi le buzz, mais beaucoup plus à juste titre à mon sens.

@ Alex Mot-à-mots : mouais, entre le buzz et les prix, des fois, on se laisse avoir.

@ Nicolas : j'avais pourtant attendu. Mais c'est aussi la maison d'éditions qui fait que j'ai craqué. J'aime tellement les romans de Pierre Raufast et j'ai aussi eu un coup de coeur pour "La dictature des ronces" de Guillaume Siaudeau chez Alma que je projette surement un peu sur les autres romans de cette maison.

@ Sandrine : c'est sûr, mais pourtant je n'en attendais pas tant que ça. J'avais à peine lu de quoi il était question avant de l'entamer.
Stephie a dit…
Je n'ai pas été emballée moi non plus, gênée également par les passages vulgaires et scabreux... Je me suis littéralement ennuyée, à quelques belles phrases près.

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