L'ordre du jour [Éric Vuillard]

L'auteur : Né en 1968, écrivain et cinéaste, Eric Vuillard est un habitué des prix littéraires. En 2017 il reçoit le prix Goncourt pour L'ordre du jour.

L'histoire : "Ils étaient vingt-quatre, près des arbres morts de la rive, vingt-quatre pardessus noirs, marron ou cognac, vingt-quatre paires d'épaules rembourrées de laine, vingt-quatre costumes trois pièces, et le même nombre de pantalons à pinces avec un large ourlet. Les ombres pénétrèrent le grand vestibule du palais du président de l'Assemblée ; mais bientôt, il n'y aura plus d'Assemblée, il n'y aura plus de président, et, dans quelques années, il n'y aura même plus de Parlement, seulement un amas de décombres fumants."

Mon avis : Voici un roman que Mister avait demandé à Noël il y a deux ans. Il nous tentait tous les deux, mais comme c'était son cadeau, j'ai attendu qu'il le lise, jusqu'à en avoir marre d'attendre et lui vole la priorité !

Il s'agit ici d'un court récit, et non d'un roman d'ailleurs, à peine 160 pages, mais d'une puissance évocatrice étonnante sous des airs assez simples. Il décortique avec brio comment des mauvaises décisions, au commencement peut être anecdotiques, qui s'enchaînent peuvent arriver vers une grande catastrophe. Avec le recul, tout se suit avec une évidence sidérante et le lecteur voit se dessiner sous ses yeux l'horreur. Eric Vuillard insiste sur deux moments historiques en particulier : en février 1933, vingt-quatre des plus grands noms industriels Allemands sont convaincus de financer le parti nazi en vue des élections législatives ; et la décision de l'Anschluss en mars 1938. Entre les deux, c'est un fabuleux festival de veulerie, de couardise, de bassesse et de culot monstre.

Le style de Vuillard est parfait pour décrire ces petits moments qui font la grande Histoire, comme le montre la citation plus haut. Limpide, fluide, précis, et non dénué d'une petite touche de cynisme qui ferait presque rire si la chute n'était pas si atroce. Car l'auteur ne relate ici que des faits historiques et souligne de ce fait la médiocrité des hommes qui nous a mené jusque là.

Au passage, et vous savez maintenant à quel point j'aime ça, j'ai découvert dans ce récit l'artiste Louis Soutter.
 
Le culte, de Louis Soutter - 1942
 
L'ordre du jour, d'Éric Vuillard
Éditions Actes Sud
Mai 2017

Commentaires

Cet auteur me dit quelque chose mais pour un autre titre il me semble. (C'est quoi ces façons de piquer la priorité de lecture? ;) )
Alex Mot-à-Mots a dit…
Une lecture qui avait été éclairante sur bien des points.
dasola a dit…
Bonsoir La Chèvre grise, pas mal de blogueuses ont lu et chroniqué ce récit avec sévérité. Moi, j'aime le style de Vuillard. Et sa manière concise d'évoquer la grande Histoire. Bonne soirée.
Karine a dit…
J'en avais entendu parler il y a quelques mois... ou quelques années. Le thème est intéressant.
Bibliblogueuse a dit…
J'ai beaucoup aimé ce petit roman, je l'ai trouvé très instructif et bien écrit ce qui ne gâche rien. Dans un autre genre mais sur un thème proche, tu as peut-être lu La disparition de Josef Mengele d'Olivier Guez qui n'est pas mal non plus.

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