Dans le jardin de la bête [Erik Larson]
Après Le diable dans la ville blanche, c'est avec plaisir que j'ai accepté l'offre de découvrir Dans le jardin de la bête, le dernier ouvrage d'Erik Larson paru aux éditions du Cherche Midi.
L'histoire : 1933. Berlin. William E. Dodd devient le premier ambassadeur américain en Allemagne nazie. Sa fille, la flamboyante Martha, est vite séduite par les leaders du parti nazi et leur volonté de redonner au pays un rôle de tout premier plan sur la scène mondiale. Elle devient ainsi la maîtresse de plusieurs d'entre eux, en particulier de Rudolf Diels, premier chef de la Gestapo, alors que son père, très vite alerté des premiers projets de persécution envers les Juifs, essaie de prévenir le département d'Etat américain, qui fait la sourde oreille. Lorsque Martha tombe éperdument amoureuse de Boris Winogradov, un espion russe établi à Berlin, celui-ci ne tarde pas à la convaincre d'employer ses charmes et ses talents au profit de l'Union soviétique. Tous les protagonistes de l'histoire vont alors se livrer un jeu mortel, qui culminera lors de la fameuse "Nuit des longs couteaux".
Mon avis : Voilà le 2ème livre que je lis d'Erik Larson après Le Diable dans la Ville Blanche. On y retrouve le même principe narratif : le lecteur suit quelques personnages réels dans le flot des événements d'une époque remarquable, les années 1933/1935 en Allemagne juste après l'avènement d'Hitler au pouvoir. Les nazis n'en étaient encore qu'à l'ébauche de leurs immondes théories et de leur folie meurtrière.
Les 2 personnages principaux qu'on suit sont assez improbables : l'ambassadeur américain à Berlin, Dodd, et sa fille Martha. Dodd était un prof d'histoire germanophone, assez idéaliste et n'ayant pas le profil des diplomates habituels qui étaient issus de la grande et très riche bourgeoisie américaine. A vrai dire, il s'est retrouvé à ce poste parce que personne d'autre n'en voulait. Toute sa famille l'a accompagné à Berlin, et en particulier sa fille Martha. Martha est une de ces femmes de la haute société des années 30, ne cherchant qu'à jouir assez égoistement au quotidien, à être en compagnie des gens qui comptent dans les milieux politiques et artistiques, plutôt oisive, très libérée, voire libertine et tombant amoureuse de tout homme qui lui plait mais le délaissant tout aussi vite pour le suivant. Le tout sur fond de nazisme grandissant.
L'auteur réalise un travail journalistique méticuleux imbriquant ses personnages dans le flot des événements historiques de l'époque. Il met en parallèle, recoupe des anecdotes, des écrits, des témoignages (des personnages eux-mêmes). Le livre est une construction très précise qui semble un peu froide au départ mais qui devient vite implacable et dont on a beaucoup de mal à se libérer. En se plaçant du point de vue des Dodd, Larson prend un parti assez intéressant car on a un regard non plus seulement historique mais assez personnel de ces personnages nazis se complétant et s'entraînant dans leur folie : Hitler, Göring, Goebbels, Himmler, Röhm, Von Neurath, Hess, Heydrich... et aussi ceux qui ont laissé faire les nazis : Hindenburg, Von Pappen, la Wehrmacht ainsi que toute la diplomatie mondiale (la France, l'Angleterre et Roosevelt en particulier).
A titre personnel, je reste toujours étonné par la passivité de tous les gouvernements du monde entier face à la folie grandissante du régime nazi qui s'en prenait ouvertement aux Juifs et à tous les opposants. Même les camps de concentration (que certains arrivent encore à nier aujourd'hui), existaient déjà en 1933, à l'état de prototype. On y mettait en place les immondes processus qui allaient plus tard finir en cette industrialisation de l'extermination humaine. Avec le recul, Hitler a à peine caché ses intentions. Il disait ouvertement ce qu'il allait faire dans ses discours mais diplomatiquement, il prônait la paix. Tout le monde préférait regarder ailleurs et se dire qu'ils allaient réussir à le contenir et qu'il n'oserait pas aller plus loin. En plus, le contexte de l'époque a facilité la situation : Les USA étaient affaiblis par la crise de 1929 et ne voulaient surtout pas se mêler des problèmes des européens (ça ne vous rappelle rien de nos jours? :)). Les russes vivaient dans la pauvreté, la terreur et la famine sous le joug de Staline (qui n'a pas fait mieux que Hitler, soit dit en passant). La France et l'Angleterre fermaient les yeux alors qu'ils auraient eu la puissance militaire pour arrêter Hitler de suite. Mais tout était bien trop compliqué économiquement, diplomatiquement, historiquement (suite au traité de Versailles qui a sûrement semé la graine de la haine allemande menant au nazisme). Dodd va donc observer cette passivité diplomatique et va littéralement se détruire la santé en comprenant progressivement la folie grandissante du régime hitlérien. Cet homme était un américain à l'ancienne, un peu sudiste sur les bords, n'aimant pas vraiment les Juifs comme beaucoup d'américains à l'époque. Mais il était très idéaliste et épris de ce principe américain de liberté absolue. Il ne supportait pas qu'on prive quiconque de sa liberté, qui plus est violemment. Au cours de son mandat, il va donc se retrancher, refusant de plus en plus de participer à la mascarade nazie, prévenant Roosevelt du risque imminent d'une guerre à laquelle les USA ne pourraient se soustraire. Il va s'attirer la haine de ses collègues diplomates en critiquant leur rythme exorbitant de vie, leur comportement de privilégiés et surtout leur passivité face à Hitler.
Sa fille Martha va jouer un rôle beaucoup plus ambigu. Elle arrive en Allemagne avec une grande curiosité et un a priori positif vis-à-vis de ces jeunes allemands qui veulent redresser la nation germanique. Elle aime surtout être avec les gens qui comptent et ne va pas rechigner à fréquenter (voire plus si affinité) la plupart des dignitaires nazis, parfois ne serait-ce que par curiosité. Elle va longtemps réfuter les exactions contre les Juifs et les opposants mais progressivement, elle va se rendre compte de la réalité. Je vous laisse découvrir son destin assez intéressant. Cette femme m'a tout de même laissé une image assez mitigée car, certes elle a vécu de drôles d'aventures mais pour cela, elle met joyeusement sa moralité au vestiaire et surtout profite honteusement de sa protection diplomatique. En bref, une femme suffisamment opportuniste, manipulatrice et faussement naïve pour passer entre les gouttes. D'ailleurs, quelques femmes allemandes qu'elle a pu cotoyer n'ont pas eu sa chance et ont très mal terminé.
Les 2 personnages principaux qu'on suit sont assez improbables : l'ambassadeur américain à Berlin, Dodd, et sa fille Martha. Dodd était un prof d'histoire germanophone, assez idéaliste et n'ayant pas le profil des diplomates habituels qui étaient issus de la grande et très riche bourgeoisie américaine. A vrai dire, il s'est retrouvé à ce poste parce que personne d'autre n'en voulait. Toute sa famille l'a accompagné à Berlin, et en particulier sa fille Martha. Martha est une de ces femmes de la haute société des années 30, ne cherchant qu'à jouir assez égoistement au quotidien, à être en compagnie des gens qui comptent dans les milieux politiques et artistiques, plutôt oisive, très libérée, voire libertine et tombant amoureuse de tout homme qui lui plait mais le délaissant tout aussi vite pour le suivant. Le tout sur fond de nazisme grandissant.
L'auteur réalise un travail journalistique méticuleux imbriquant ses personnages dans le flot des événements historiques de l'époque. Il met en parallèle, recoupe des anecdotes, des écrits, des témoignages (des personnages eux-mêmes). Le livre est une construction très précise qui semble un peu froide au départ mais qui devient vite implacable et dont on a beaucoup de mal à se libérer. En se plaçant du point de vue des Dodd, Larson prend un parti assez intéressant car on a un regard non plus seulement historique mais assez personnel de ces personnages nazis se complétant et s'entraînant dans leur folie : Hitler, Göring, Goebbels, Himmler, Röhm, Von Neurath, Hess, Heydrich... et aussi ceux qui ont laissé faire les nazis : Hindenburg, Von Pappen, la Wehrmacht ainsi que toute la diplomatie mondiale (la France, l'Angleterre et Roosevelt en particulier).
A titre personnel, je reste toujours étonné par la passivité de tous les gouvernements du monde entier face à la folie grandissante du régime nazi qui s'en prenait ouvertement aux Juifs et à tous les opposants. Même les camps de concentration (que certains arrivent encore à nier aujourd'hui), existaient déjà en 1933, à l'état de prototype. On y mettait en place les immondes processus qui allaient plus tard finir en cette industrialisation de l'extermination humaine. Avec le recul, Hitler a à peine caché ses intentions. Il disait ouvertement ce qu'il allait faire dans ses discours mais diplomatiquement, il prônait la paix. Tout le monde préférait regarder ailleurs et se dire qu'ils allaient réussir à le contenir et qu'il n'oserait pas aller plus loin. En plus, le contexte de l'époque a facilité la situation : Les USA étaient affaiblis par la crise de 1929 et ne voulaient surtout pas se mêler des problèmes des européens (ça ne vous rappelle rien de nos jours? :)). Les russes vivaient dans la pauvreté, la terreur et la famine sous le joug de Staline (qui n'a pas fait mieux que Hitler, soit dit en passant). La France et l'Angleterre fermaient les yeux alors qu'ils auraient eu la puissance militaire pour arrêter Hitler de suite. Mais tout était bien trop compliqué économiquement, diplomatiquement, historiquement (suite au traité de Versailles qui a sûrement semé la graine de la haine allemande menant au nazisme). Dodd va donc observer cette passivité diplomatique et va littéralement se détruire la santé en comprenant progressivement la folie grandissante du régime hitlérien. Cet homme était un américain à l'ancienne, un peu sudiste sur les bords, n'aimant pas vraiment les Juifs comme beaucoup d'américains à l'époque. Mais il était très idéaliste et épris de ce principe américain de liberté absolue. Il ne supportait pas qu'on prive quiconque de sa liberté, qui plus est violemment. Au cours de son mandat, il va donc se retrancher, refusant de plus en plus de participer à la mascarade nazie, prévenant Roosevelt du risque imminent d'une guerre à laquelle les USA ne pourraient se soustraire. Il va s'attirer la haine de ses collègues diplomates en critiquant leur rythme exorbitant de vie, leur comportement de privilégiés et surtout leur passivité face à Hitler.
Sa fille Martha va jouer un rôle beaucoup plus ambigu. Elle arrive en Allemagne avec une grande curiosité et un a priori positif vis-à-vis de ces jeunes allemands qui veulent redresser la nation germanique. Elle aime surtout être avec les gens qui comptent et ne va pas rechigner à fréquenter (voire plus si affinité) la plupart des dignitaires nazis, parfois ne serait-ce que par curiosité. Elle va longtemps réfuter les exactions contre les Juifs et les opposants mais progressivement, elle va se rendre compte de la réalité. Je vous laisse découvrir son destin assez intéressant. Cette femme m'a tout de même laissé une image assez mitigée car, certes elle a vécu de drôles d'aventures mais pour cela, elle met joyeusement sa moralité au vestiaire et surtout profite honteusement de sa protection diplomatique. En bref, une femme suffisamment opportuniste, manipulatrice et faussement naïve pour passer entre les gouttes. D'ailleurs, quelques femmes allemandes qu'elle a pu cotoyer n'ont pas eu sa chance et ont très mal terminé.
C'est un livre très intéressant, ne serait-ce que pour la découverte historique de cette période et l'effroi qu'elle inspire. Le récit est mené de main de maître et la tension monte progressivement jusqu'à atteindre son paroxysme avec la tristement célèbre Nuit des Longs Couteaux. Juste un bémol sur la fin, un peu terne après tout cela, mais l'auteur pouvait-il faire autrement que de raconter la fin de vie de ses personnages principaux ?
En tout cas, il me semble que cette folie n'est pas spécifique à l'Allemagne de 1930-45. Elle s'est produite autre part, à d'autres époques et même depuis 1945. La seule différence en est l'ampleur, la théorisation, l'industrialisation. Mais je me dis que cela pourrait se reproduire dans une conjoncture très difficile. Saurait-on mieux réagir ? Je n'en suis pas sûr...
Un grand merci à Babelio pour m'avoir proposé ce livre !
En tout cas, il me semble que cette folie n'est pas spécifique à l'Allemagne de 1930-45. Elle s'est produite autre part, à d'autres époques et même depuis 1945. La seule différence en est l'ampleur, la théorisation, l'industrialisation. Mais je me dis que cela pourrait se reproduire dans une conjoncture très difficile. Saurait-on mieux réagir ? Je n'en suis pas sûr...
Un grand merci à Babelio pour m'avoir proposé ce livre !
On peut en effet se demander si on aurait été vraiment plus clairvoyant...
RépondreSupprimerUn excellent bouquin!
Je suis justement en train de lire "Le diable dans la ville blanche", qui me plaît beaucoup. "Dans le jardin de la bête" me fait de l'oeil depuis quelques semaines. Je finirai inévitablement par craquer !!
RépondreSupprimerUn roman-document que j'avais beaucoup aimé. Quel homme intelligent, cet ambassadeur américain.
RépondreSupprimer@missleo: celui-ci est plus condensé que "Le diable dans la ville blanche" et plus cohérent car au final je trouvais que l'histoire de ce tueur et de l'expo étaient assez disparates même si ça les mettait en exergue. Mais bon les 2 restent bons!
RépondreSupprimer@alex: je ne dirais pas qu'il était si intelligent que ça mais plutôt fidèle à certains principes au point d'en être ridicule parfois. Mais au moins il n'a jamais vendu son âme au diable comme de nombreux diplomates font et refont encore de nos jours ;)