Exposition : Sarah Bernhardt, et la femme créa la star

 


Voici une belle exposition qui s'est terminée fin août au Petit Palais et que je suis allée voir cet été. De Sarah Bernhardt, je ne connaissais que peu de choses : son nom, son talent acclamé à son époque, et voilà. Sarah Bernhardt, la Grande Sarah, la Divine, a disparu il y a un siècle, le 26 mars 1923. Elle est connue comme étant la plus célèbre actrice de théâtre de son époque mais cela est bien réducteur. Pour retracer la vie et la carrière de cette icône, le Petit Palais présentait plus de 400 œuvres, depuis ses années de jeunesse dans le Paris du Second Empire jusqu'à sa gloire internationale dans les années 20. Libre, excentrique, engagée, virtuose...


Sarah Bernhardt drapée de noir, de Nadar, vers 1859
 
 
Sarah Bernhardt, à mis corps, accoudée à une colonne, de Nadar, vers 1859

 

Née le 22 octobre 1844 d'une mère courtisane et d'un père avoué, elle grandit en Bretagne avant de retrouver sa mère et sa tante à Paris dans les années 1860, où les deux femmes connaissent alors un certain succès. Refusant le mariage, elle devient elle aussi une demi-mondaine et, sous la protection du duc de Morny, demi-frère de Napoléon III, elle entre au Conservatoire pour apprendre la comédie. Avec son caractère bien trempée, elle se fait renvoyer de la Comédie-Française en 1863. En 1864, elle fait la connaissance du Prince de Ligne, dont elle aura un fils, Maurice. Elle enchaîne divers petits rôles allant du répertoire classique à des productions plus légères. Elle est révélée en 1869 au Théâtre de l'Odéon dans Le Passant de François Coppée, où elle joue un travesti. Et elle triomphe en 1872 dans ce même lieu dans le rôle de la reine de Ruy Blas de Victor Hugo.

 

Sarah Bernhardt dans le rôle de doña Maria de Neubourg dan Ruy Blas de Victor Hugo, Anonyme, vers 1872

 

Face à ce succès, l'administrateur de la Comédie-Française ne peut que rappeler la comédienne. "Mademoiselle Révolte" comme on la surnomme alors brille autant par son talent que par ses frasques dont parle toute la presse. Nommée sociétaire en 1875, sa célébrité ne fait que croître mais elle s'ennuie, enfermée dans des rôles. Au retour d'une tournée triomphale à Londres en 1880, elle subit un échec dans L'Aventurière d'Emile Augier alors qu'elle ne voulait pas jouer dans cette pièce. Elle claque alors la porte de l'institution.

 

Portrait de Sarah Bernhardt, par George Clairin, 1876

L'actrice Sarah Bernhardt dans son salon, de Walford Graham Robertson , 1889

Sarah Bernhardt chez elle, de Nadar, vers 1890


Portrait funéraire de Jacques Damala, de Sarah Bernhardt, vers 1889 - L'actrice épouse ce jeune grec attaché à l'ambassade qui cherche à se faire connaître en tant qu'acteur. Morphinomane et volage, le mariage ne dure guère et il meurt d'overdose en 1889. En mémoire, Sarah Bernhardt réalise ce portrait.

 

Dans les années 70, la comédienne est entourée d'artistes, parmi lesquels Georges Clairin et Louise Abbéma tiennent une place toute particulière, s'attachant à la représenter tant sur scène que dans son intimité. Le premier est l'auteur du plus célèbre portrait de l'artiste, dans un déshabillé blanc mettant en valeur sa silhouette, dans son atelier-salon au décor foisonnant, éclectique, grandiose. Influencée, Sarah Bernhardt se lance elle aussi dans la peinture et la sculpture, exposant régulièrement ses œuvres. 

 

Sarah Bernhardt dans son cercueil, d'Achille Mélandri, 1879

 

D'une santé fragile étant enfant, Sarah Bernhardt a frôlé la mort plusieurs fois. C'est peut être de là que lui vient sont goût pour le morbide et le macabre. Squelette, cercueil, animaux étranges et fantastiques, sont souvent décrits dans sa demeure.

 

La dame aux camélias, d'Alphonse Mucha, 1896

 
Sarah Bernhardt dans La dame aux camélias, de Studio Rochlitz, 1914

Manteau de scène de Sarah Bernhardt pour Théodora, Théphile Thomas, 1884

 

Sarah Bernhardt dans Théodora de Victorien Sardou, de Paul Boyer, 1884

Sarah Bernhardt dans Hamlet, de Lafayette LTD, 1899

Sarah Bernhardt dans le rôle de Phèdre, de Henri Mairet, 1893 - Les séries de photographies d'un même spectacle déclinent les gestes et les attitudes que l'actrice a élaborés au cour de sa carrière et que le public retrouvait d'un spectacle à l'autre.

 

Son répertoire comprend des centaines de rôles, mais certains ont marqué les esprits plus que d'autres. Allant de Shakespeare ou Racine à des écrivains contemporains comme Victor Hugo ou Alexandre Dumas fils. Victorien Sardou est certainement son auteur préféré. Il écrira pour elle nombreuses pièces, dont Théodora ou La Tosca. Sarah Bernhardt brille dans les scènes d'agonie. L'art du théâtre selon elle s'est à la fois une gestuelle, une voix et des mises en scène somptueuses et historicistes. Elle interprète également souvent des rôles de travesti, très fréquent au théâtre au XIXe siècle. Elle dira plus tard que le choix de rôles masculins lui permettait d'interpréter des personnages plus intéressants que ceux traditionnellement dévolus aux actrices.

 

Affiches publicitaires pour l'Absinthe Terminus - 1895 et pour la poudre de riz Diaphane - 1890

Assiette avec Sarah Bernhardt en légume salsifis et poème d'Alfred Petit, 1884-1894

Dédicace de Sarah Bernhardt

A la fin du XIXe siècle, l'image de Sarah Bernhardt est partout présente, quelque soit la forme prise, du sujet d'œuvre à la caricature drôle ou cruelle en passant par le support publicitaire pour des produits de consommation courante. Immensément célèbre, habituée aux séances d'autographes qu'elle distribue généreusement, elle devient la première star de l'Histoire. Elle déchaîne les passions, témoignant ainsi de sa célébrité.

 

Portrait de Sarah Bernhardt par Alphonse Mucha, signé "A ma reine, son mauvais sujet", 1898

Dès la fin des années 1870, elle se lance dans une série de tournées internationales qui l'emmènent partout dans le monde. Faisant rayonner la culture et le luxe français, véritable égérie, elle échappe aussi au monde du théâtre parisien parfois hostile, assure son indépendance financière et assouvit un perpétuel besoin de nouveauté, tout ça à bord d'un train Pullman spécialement aménagé pour elle.

Sarah Bernhardt fut également une énergique femme d'affaires. Après avoir dirigé le Théâtre de la Renaissance de 1893 à 1899, elle prend la direction du Théâtre des Nations auquel elle donne son nom pour le hisser au rang des grandes scènes parisiennes. Elle repeint la salle à l'italienne d'un jaune bouton d'or inhabituel. Elle commande à ses amis peintres un nouveau décor pour le foyer. Elle est à la fois meneuse de troupe, décoratrice, programmatrice, metteuse en scène. De 1899 à 1914 elle joue elle-même dans près d'une quarantaine de rôles et présente vingt-cinq pièces nouvelles.

Elle s'engage aussi dans les combats de son temps, organisant un hôpital militaire en 1870 au Théâtre de l'Odéon, se rangeant au côté de Zola lorsqu'il fait paraître J'accuse, se produit sur le front avec d'autres vedettes alors qu'elle a été amputée de la jambe droite en 1915, part en tournée aux États-Unis pour sensibiliser l'opinion sur ce qui se passe en Europe...


Cette belle exposition permet de découvrir une femme étonnante et éblouissante. Des extraits sonores sont disponibles et témoignent d'un talent qu'on ne saurait plus apprécier aujourd'hui, fait d'une voix chevrotante et d'une gestuelle emphatique : le naturel n'est pas de mise.


Informations utiles :

Du 14 avril 2023 au 27 août 2023
Du mardi au dimanche de 10h à 18h

Petit Palais
Avenue Winston Churchill
75008 Paris

Tarif : 16€
Tarif réduit : 13€

Site du Petit Palais ici



Commentaires

nathalie a dit…
C'était un personnage complet, tout un monde en soi. Les sculptures d'algues sont fascinantes, c'est un choix tellement original ! Une expo qui m'aurait sûrement plu.
La chèvre grise a dit…
@Nathalie : oui, elle a traversé les époques et les modes. J'ai particulièrement aimé entendre sa voix. Bon, sa diction ne serait plus du tout au goût d'aujourd'hui, mais c'est ça qui est fascinant. Une diva mais une femme complète et complexe.

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